Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
caisses de bois faisaient office de bancs, permettaient de prendre un repas dans un confort relatif.
    Emile Buteau put apprécier tout de suite l'effet de son nouveau statut: la file d'attente s'ouvrit devant lui comme la mer Rouge devant Moïse, avec des «Après vous, Monsieur le Curé» empreints de respect. Le miracle se produisit une nouvelle fois quand, un plateau chargé de deux pâtés à la viande et deux tasses de thé fumantes dans les mains, il vint vers une table placée près de la chaussée. Alors que peu de temps auparavant les clients, épaule contre épaule, paraissaient former un mur, deux places apparurent soudainement libres, l'une en face de l'autre. Les «mercis» de l'ecclésiastique résonnaient comme autant d'indulgences plénières.
    Une fois assise, sa fourchette en main, Marie commenta :
    —    Te voilà enfin arrivé à destination. Ce fut un long trajet.
    —    Plus de la moitié de mon existence, depuis l'entrée au Petit Séminaire.
    —    Cela en valait la peine ?
    La question trahissait un scepticisme un peu inquiétant. Emile préféra avaler une bouchée avant de rétorquer :
    —    Sans hésiter un instant, j'aurais investi deux fois plus d'efforts pour y arriver.
    —    Tu as de la chance. Peu de personnes peuvent se vanter d'avoir réalisé leurs rêves. Du moins, pas dans ce quartier.
    D'un regard circulaire, elle désignait les personnes autour d'eux, des hommes aux mains calleuses, accoutrés de vêtement disparates ayant connu de meilleurs jours, des femmes à la mine fatiguée, la taille rendue informe par les naissances se succédant tous les quinze mois avec une régularité infaillible.
    —    Je n'ai tout de même pas réalisé tous mes rêves, fit-il en esquissant un sourire contraint.
    —    Souhaites-tu recevoir un jour la responsabilité d'une paroisse de la Haute-Ville, où les dîmes bien généreuses entreront avec régularité ?
    —    Ces cures-là reviennent aux garçons de la Haute-Ville, qui savent bien se tenir à table et qui boivent leur thé dans des tasses de porcelaine anglaise.
    En disant cela, il levait sa propre tasse de fer blanc. Après une gorgée, il continua :
    —    Je me contenterai d'une paroisse ouvrière.
    Marie préféra garder ses réflexions pour elle. Le presbytère de Saint-Roch, une grande bâtisse de pierre grise attenante à l'église,
    se comparait à certaines résidences de la Grande Allée.
    —    A l'évêché, on parle d'ailleurs de créer une nouvelle paroisse à l'ouest de cette rue.
    —    Tu ne voudrais pas aller à la campagne, dans un village blotti autour de l'église, peuplé d'agriculteurs craignant Dieu et leur confesseur ?
    Encore une fois, l'ironie teintait la voix de la jeune fille, au plus grand agacement de son aîné.
    —    Dans ces endroits aussi, on préfère recruter des enfants du lieu.
    En réalité, si les fils de la campagne devenaient souvent curés dans des paroisses ouvrières, l'inverse ne se produisait que rarement. L'appel de Dieu se faisait moins souvent entendre au creux des oreilles prolétariennes des quartiers populaires que dans celles des fils de cultivateurs.
    —    De ton côté, tu remplis toujours le rôle de secrétaire ? questionna Emile, désireux d'orienter la conversation vers d'autres sujets que la carrière ecclésiastique.
    —    Une heure par jour, depuis quelques semaines.
    —    C'est un début. Si tu fais l'affaire...
    Marie préférait ne pas mettre d'espoir dans une affectation plus régulière afin de ne pas appeler sur elle le mauvais sort. Toutefois, cette heure quotidienne s'allongeait parfois. Thomas Picard lui confiait quelques tâches supplémentaires alors que son propre secrétaire se dirigeait de plus en plus souvent vers la Pointe-aux-Lièvres en affichant des airs de conspirateur.
    —    Cela te vaut-il un meilleur salaire ?
    —    Non, et je n'oserais jamais le demander. Déjà que le travail est moins difficile...
    Surtout, elle sentait avoir encore tellement à apprendre avant de bien accomplir ses nouvelles tâches.
    —    Et à la maison de chambres, tout se passe bien ?
    —    Ce n'est ni mieux ni pire qu'auparavant. Si je pouvais obtenir quelques sous de plus par jour, mon premier souci serait de me trouver un autre logis, pour ne pas avoir à partager un tout petit réduit avec une inconnue.
    —    Au moins, tu n'es pas seule.
    Comment faire comprendre à Emile que la

Weitere Kostenlose Bücher