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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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effroi à l'entrée d'un train en gare de Lyon. L'énorme machine s'arrêta dans un nuage de vapeur blanche. Bien que les images s'agitaient sur une grande pièce de toile, elles gardaient un réalisme étonnant.
    Guère rassasié d'émotions fortes, un spectacle égrillard inspiré du french cancan rappela ensuite cruellement à Thomas que certaines activités demeuraient hors de sa portée à la maison. Au son d'une musique d'Offenbach plutôt criarde, des jeunes filles sautillaient sur un pied, tenant l'autre haut au-dessus de leur tête, offrant un froufrou de jupons de dentelles et de sous-vêtements affriolants à une cinquantaine d'hommes surexcités. Parfois, à la lumière fumeuse de lampes à pétrole, une ombre foncée à la jonction des jambes écartées laissait croire que certaines des artistes portaient un «pantalon ouvert»... Certains sous-vêtements féminins permettaient de faire ses besoins sans les enlever: cela ouvrait de nouvelles perspectives aux voyeurs. Toutefois, les forces policières n'auraient pas toléré qu'elles n'en mettent pas du tout, ce qui arrivait parfois à Paris, selon la rumeur. Après ce spectacle, l'homme connut une nuit de sommeil difficile.
    Au lever, Thomas Picard avala ce qui pouvait passer pour un déjeuner tardif ou un dîner précoce, avant de parcourir les rues de la grande ville, la métropole du Canada. Il commença par errer dans les belles allées du carré Dominion, s'arrêta un moment devant la statue érigée depuis peu à la mémoire de John A. Macdonald, résistant mal au plaisir de tirer la langue au vieux chef conservateur.
    Puis il remonta à pas lents vers le nord, jusqu'à atteindre la rue Sainte-Catherine. Pendant de longues minutes, le commerçant examina avec un regard envieux le magnifique établissement de pierre du grand magasin Ogilvy. Bien sûr, vendre des produits luxueux à une clientèle cossue de langue anglaise nécessitait un cadre architectural majestueux... Tout comme cela devait procurer une marge bénéficiaire appréciable.
    Ensuite, Thomas continua vers l'est sur la grande artère commerciale, passant devant les magnifiques édifices de Birks et de Morgan, situés à peu près en face l'un de l'autre. Le second, avec son revêtement de pierre rougeâtre et ses grandes vitrines en arc de cercle, impressionnait. Puis les larges trottoirs offraient un spectacle sans cesse renouvelé. Sous un soleil magnifique, des couples déambulaient lentement, les femmes dans de jolies robes de coton ou de mousseline leur tombant jusqu'aux talons, les plus élégantes avec une ombrelle à la main. L'homme se retournait parfois sur les plus belles, ce qui lui valait des regards courroucés de leurs compagnons.
    Arrivé à la hauteur de la rue Saint-André, Thomas passa un long moment à faire le tour de l'établissement de Dupuis Frères, une grande bâtisse de brique à l'allure un peu terne. Ce commerce ressemblait fort au sien, vendant un peu de tout à une clientèle besogneuse de langue française.
    — Mais eux profitent des avantages de la grande ville, grommela le promeneur.
    La population de Montréal faisait quatre fois au moins celle de Québec. Les établissements de la ville desservaient des campagnes et des petites villes prospères dans un large rayon, bien pourvues en voies de communication. Les occasions d'affaires se multipliaient en proportion.
    Un peu frustré de constater sa situation de gros commerçant d'une petite ville, plutôt que d'une grande, Thomas se résolut à remonter la rue Saint-Hubert jusqu'à la rue
    Sherbrooke, admirant au passage de belles maisons aux longs escaliers dotés de rampes de fer forgé, où trois ou quatre familles habitaient dans ces logis superposés. Marchant vers l'ouest dans la grande artère, l'homme partagea son intérêt entre les allées boisées du parc Logan et, au-delà de l'intersection de la rue Saint-Laurent, les grandes résidences bourgeoises.
    En comparaison, le gros cube de brique qu'il habitait à Québec lui paraissait terriblement modeste. Mieux valait ne pas accroître son dépit en prolongeant sa marche jusqu'au « mille carré doré » de Westmount et ses nombreux châteaux de pierre. Autant s'asseoir sur un banc bien protégé par de grands arbres sur le terrain de l'Université McGill, afin de profiter de la douceur de la journée.
    Une fois qu'Alfred Picard eut payé l'addition, ce fut avec une assurance nouvelle qu'Elisabeth Trudel traversa de nouveau la grande salle

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