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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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bien-pensants les mouvements spasmodiques de l'accouplement.
    — Tout de même, quel sens du rythme ! murmura Alfred, admiratif.
    Elisabeth regardait la scène, un profond étonnement sur le visage. Ses années chez les ursulines l'avaient mal préparée aux sonorités du ragtime. Dès le prochain dimanche, elle passerait par le confessionnal, car se trouver là était certainement un péché. Surtout, elle cherchait des yeux les deux enfants, s'inquiétant de l'effet d'un pareil spectacle sur de jeunes âmes.
    Au bout de quinze minutes, les musiciens mirent fin à leur vacarme, les danseurs retournèrent à l'hôtel, toujours hilares, sous des applaudissements à la fois peu nombreux et hésitants.
    Plutôt que de revenir vers le petit parc, Eugénie et Edouard, main dans la main, s'éloignèrent vers l'ouest, là où la terrasse s'étendait sur des centaines de pieds.
    —    Je devrais aller les chercher, s'inquiéta Elisabeth en faisant mine de se lever.
    —    Laissez-les jouir d'un peu de liberté. Ces dernières années, leur vie n'a pas été rose, vous savez.
    L'homme faisait référence à l'étrange climat qui régnait dans la maison de la rue Saint-François depuis le début de la maladie de leur mère.
    —    S'il leur arrivait quelque chose...
    —    Des centaines de personnes sont là pour les empêcher de se pencher dangereusement au-dessus de la balustrade.
    «Ce qui ne les empêchera pas d'aller se perdre dans la ville», songea Elisabeth. Mais elle devinait que son compagnon, curieux, tenait à ce moment en tête-à-tête, sans témoins.
    —    Vous avez confié à ma mère venir de Saint-Prosper, dans la région de Champlain.
    —    Je n'ai pas eu l'impression que j'avais le choix de répondre ou non.
    Alfred éclata de rire avant de convenir:
    —    Elle aurait fait un redoutable confesseur. Sa seule présence sur terre me conduit à me réjouir que le sacerdoce soit interdit aux femmes... Que font vos parents?
    —    Ils sont morts.
    Pareille réponse le décontenança un moment. Il reprit:
    —    Que faisaient-ils, alors ?
    —    Mon père possédait une petite ferme près du village, sur la route qui conduit à Sainte-Anne. Ma mère est morte en couches alors que j'avais sept ans.
    —    Vous avez des frères, des sœurs ?
    —    Le bébé qui a provoqué son décès était mort-né, comme les deux autres qui ont suivi ma propre naissance.
    Le ton de la jeune femme demeurait monocorde, alors que ses yeux se perdaient dans la contemplation de la rive, de l'autre côté du fleuve.
    —Je suis désolé, murmura son compagnon. Je ne savais
    pas.
    Elisabeth haussa les épaules avant de répondre :
    —    Ce n'est rien, il y a plus de dix ans.
    —    Que vous est-il arrivé ?
    —    Mon père ne pouvait continuer seul à s'occuper de la terre. Il l'a vendue pour aller travailler dans les chantiers forestiers. Je me suis retrouvée au couvent des sœurs de la congrégation Notre-Dame, à Sainte-Anne.
    —    Et les ursulines ?
    Alfred essayait de se faire le moins inquisiteur possible, sans vraiment y arriver. La curiosité effaçait sa délicatesse.
    —    Comme je voulais devenir maîtresse d'école, le curé a fait les démarches pour que j'obtienne une bourse pour suivre le cours normal. Cela s'imposait d'autant plus qu'après la mort de papa, les sœurs de la congrégation me gardaient par charité.
    —    ... Que lui est-il arrivé?
    —    La drave.
    Cela ne méritait pas de plus amples explications. Chaque année, lors du flottage du bois, des hommes perdaient pied sur les billes mouillées et s'enfonçaient à jamais dans l'eau froide et glauque.
    —    Vous vouliez devenir religieuse ?
    —    Je suis entrée dans un couvent à sept ans, votre frère m'en a sortie. Je demeurais avec les religieuses tout l'été, car mon père ne quittait pas le chantier. Elles passaient tout leur temps à me montrer ce qu'elles savaient. Très vite, elles m'ont demandé d'aider en m'occupant des plus jeunes.
    Comme la fillette ne voyait du monde que ce qui se trouvait dans l'enceinte du couvent, comment aurait-elle pu imaginer faire autre chose de sa vie? Pendant des années, avec le même acharnement qu'elle mettait maintenant à se métamorphoser en préceptrice, Elisabeth avait adopté l'attitude d'une religieuse, désespérée de se faire une place dans un monde où elle demeurait toute seule.
    —    Ce qui fait que

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