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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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en tendant la main :
    —    Comment allez-vous, mademoiselle Trudel ? Il est curieux que nous ne nous voyions jamais, sauf à l'église, alors que nous passons nos journées si proches l'une de l'autre.
    —    ... Mademoiselle Buteau, se souvint la jeune femme après un moment d'hésitation. Je vais très bien. Mais je dois confesser que je ne vous aperçois pas le dimanche.
    —    Quant à moi, j'ai votre chapeau sous les yeux. Comme je fais partie de la chorale, vous devriez vous retourner pour me voir. Cependant, le jeune garçon dont vous vous occupez a certainement détaillé les traits de chaque personne de notre petit groupe.
    A ce moment, le gamin s'approchait dangereusement de la rive de la rivière Saint-Charles, irrésistiblement attiré par la boue écœurante.
    —    J'ai bien peur qu'il s'imagine que la cérémonie se passe à l'arrière, admit la jeune femme dans un sourire. Et maintenant, si je veux éviter une catastrophe vestimentaire, je ferais mieux de le rejoindre. Au revoir, Mademoiselle.
    —    Au revoir.
    Marie adressa un signe de tête à Eugénie, regarda la préceptrice s'approcher de la rivière en troussant un peu sa jupe de serge, tenant son ombrelle dans l'autre main. Les hommes se tournaient sur son passage, alors que les femmes échangeaient des murmures.
    —    Mon frère sait s'entourer de jolies femmes, remarqua Alfred en s'approchant de la nouvelle secrétaire. Elle, à la maison, vous, au bureau.
    —    Cessez de me taquiner, répondit la jeune fille en se retournant. Elle est vraiment jolie, et moi...
    —    Et vous ? questionna l'homme en levant les sourcils.
    —    Avec une robe décente, je deviendrais passable.
    Le chef de rayon lui offrit son bras, afin de marcher un peu avec elle. Les invités commençaient à quitter les lieux, l'orchestre en était à jouer son petit répertoire pour la troisième fois.
    —    Bien sûr, vous travaillez très fort à donner cette impression. Avec le temps, vous arriverez peut-être à en convaincre tout le monde... Que pensez-vous de ma petite
    fête improvisée ?
    —    La présence du curé, une nourriture abondante : personne ne vous reprochera quoi.que ce soit. Toutefois...
    Après le compliment peu convaincu, la critique ne venait pas. Alfred la regarda du coin de l'œil, soupçonnant que laisser les phrases en suspens devenait une manie chez sa compagne. A la fin, il insista :
    —    Toutefois quoi ? Où ai-je failli ?
    —    A la Dominion Corset, on a loué un vapeur pour organiser une excursion à Cap-Rouge. Près de l'embouchure de la rivière, il y a un petit parc charmant. Un orchestre permettait de danser sur le pont du navire... Sur ce terrain inégal, ce serait au risque de se fouler une cheville.
    —Mais pour prendre une initiative pareille, j'aurais dû avoir un échéancier raisonnable. Il faut réserver ces traversiez longtemps à l'avance. Puis je ne pouvais pas transporter la manufacture à inaugurer sur un navire, afin de procéder à la petite bénédiction entre deux quadrilles.
    —    Je suis désolée d'avoir répondu avec franchise à votre question, murmura Marie avec un sourire en coin. La nervosité devant ce qui m'attend demain, sans doute.
    L'autre lui serra légèrement le bras pour signifier qu'il ne lui en tenait pas rigueur, puis il l'entraîna en direction de l'orchestre. Le temps était venu de donner leur congé à des musiciens qui, à l'usage, s'étaient révélés à la hauteur de la rémunération qu'il leur versait: médiocre.
    Dans un petit monde à l'horizon étroit, les réussites même modestes des uns pouvaient susciter la jalousie des autres. Alors que la veille la bonne fortune de Marie lui avait valu des félicitations, au moment où elle traversa le rayon des vêtements féminins, quelqu'un murmura dans son dos, assez fort pour être entendu :
    —    Regardez-la ! Maintenant qu'elle est devenue la secrétaire du patron, elle se prend pour une fille de la Haute-Ville.
    Ce commentaire résultait de sa nouvelle tenue. Le samedi précédent, Alfred avait insisté pour qu'elle achète un ensemble de vêtements plus en harmonie avec ses nouvelles fonctions : une jupe d'un bleu intense rappelant ses yeux, une veste assortie lui allant à la taille, un chemisier d'un blanc immaculé.
    Un moment plus tard, Marie prenait place derrière son nouveau bureau, dans un espace austère entouré de demi-murs et encombré de classeurs de bois.

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