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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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doute le jeune homme était-il venu à dessein ramer à proximité du pique-nique annuel du magasin Picard la veille, afin de tomber sur elle « par hasard ».
    —    Il ne te plaît pas ? questionna Yvonne. Tu sais, malgré les airs qu'il se donne, c'est un bon garçon. Puis il est si beau.
    —    Tu sais, si tu veux tenter ta chance avec lui, libre à toi. Je ne suis pas sur les rangs.
    Apparemment généreuse, l'offre n'en était pas moins un peu cruelle, puisque le beau Marcel n'avait jamais affiché le moindre intérêt pour l'employée de la Dominion Corset.
    —    Tu ne le trouves pas assez bien pour toi ?
    Un peu plus, et elle ajoutait « avec ta nouvelle position ». C'était donc bien vrai, aux yeux des autres, Marie ne faisait plus un travail, elle avait une « position ».
    —    Ce n'est pas cela. Tu sais que je viens tout juste d'avoir dix-sept ans. Je ne compte pas me marier avant d'en avoir vingt-et-un ou vingt-deux, si cela se produit un jour. Dans ces conditions, cela ne sert à rien de l'encourager.
    —    Au village, à ton âge, bien des filles sont mariées.
    —    À la ville, nous sommes un peu plus lentes dans ce domaine, fit l'autre avec un sourire.
    Ces usages différents tenaient à une raison toute simple : dans une famille ouvrière, le salaire des enfants contribuait aux dépenses de la maisonnée. Les ménages les plus prospères comptaient sur les revenus de trois ou quatre enfants, en plus de celui du père. Si une jeune fille avait «coûté» pendant douze ans, ses parents ne souhaitaient pas la voir remettre ses gages trop tôt à un époux.
    Yvonne se leva bientôt en disant :
    —    Si nous voulons voir le début, autant partir tout de suite. Je reviens.
    Elle s'éclipsa un moment dans la cour arrière, dans la back house. Quelques minutes plus tard, les deux compagnes prenaient le tramway de la rue de la Couronne afin de se diriger vers la Haute-Ville. Cette fois, la recherche d'amusements nouveaux les conduisit sur les plaines d'Abraham, au sud de la Grande Allée.
    Malgré les protestations de quelques notables et des amants de l'histoire voulant transformer ce vaste espace en un grand parc public inspiré en quelque sorte de celui du mont Royal à Montréal, ou encore des nombreux aménagements du même genre dans les villes américaines, la spéculation amenait des investisseurs à acheter des parcelles de terrain dans ces parages. Déjà, on y trouvait une vaste prison et un petit quartier résidentiel tout près de la falaise. Depuis l'élection du Parti libéral, les personnes les mieux informées murmuraient que bientôt, on y érigerait une manufacture de munitions et d'armes. Toutefois, le terrain encore inoccupé permettait au cirque Wallace de monter un immense chapiteau et d'installer tout autour des dizaines de cages et de bicoques branlantes pour mettre en valeur ses principales exhibitions.
    Une petite foule se massait déjà à l'entrée de la grande tente. Un peu à l'écart, leurs deux chevaliers servants attendaient plus ou moins patiemment.
    —Je commençais à me demander si vous seriez avec nous, commença Marcel.
    —    Comment pourrais-je rater le plus grand, le plus grandiose, le plus vaste et le meilleur spectacle du continent? répondit Marie de son ton ironique.
    Ces épithètes aussi figuraient dans la publicité du cirque.
    —    J'aurais aimé être pour quelque chose dans votre décision. Mais je ne mérite certainement aucun des qualificatifs que vous avez utilisés.
    Les retrouvailles de leurs compagnons s'annonçaient moins empesées: déjà bras dessus, bras dessous, ils se dirigeaient vers l'entrée du chapiteau. Leur emboîtant le pas, Marie se retrouva derrière eux dans la file d'attente.
    —Je m'en occupe, déclara Marcel au moment de payer.
    —    Non, vraiment, ce n'est pas nécessaire.
    —    Vous venez avec moi ? Dans ce cas, je paie les billets.
    La jeune fille ne protesta pas. Après tout, si elle touchait
    la moitié du salaire d'un homme, cela amenait aussi de petits avantages. La seule difficulté était que le chevalier servant pouvait désirer récupérer son investissement à la fin de la soirée.
    Plus tard, le quatuor se retrouva dans les gradins les plus élevés des estrades un peu branlantes, construites autour des deux pistes circulaires où se déroulerait le spectacle. Les billets dans les premiers rangs étaient hors de prix pour des personnes de la Basse-Ville.
    Le chef

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