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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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sœurs, des amies, des parentes désireuses de travailler, dites-leur de se présenter ici tôt le matin. Maintenant, avant de passer à table, demandons la bénédiction de notre pasteur.
    Connaissant tout le respect que ses compatriotes éprouvaient pour les bons chrétiens, l'entrepreneur se plaça pieusement devant le curé et mit un genou sur le sol, la tête inclinée. Aucun des hommes présents ne pouvait demeurer debout après une initiative pareille; les plus pieux s'agenouillèrent tout à fait sur ce sol inégal. Les femmes, à condition de pencher la tête modestement, purent épargner à leur robe ce mauvais traitement. Une nouvelle formule latine se fit entendre, alors que le saint homme traçait de sa main droite une croix dans les airs : la protection divine descendit sur l'assemblée.
    L'ecclésiastique préféra ne pas s'attarder, un repas copieux l'attendait au presbytère. Thomas Picard lui offrit son bras pour le reconduire jusqu'à une calèche stationnée rue Jacques-Cartier, l'aida à monter dans la voiture et paya la course au cocher. Bien sûr, une bonne action en attirant une autre, un jour prochain le commerçant serait sollicité par l'une ou l'autre des bonnes œuvres de la paroisse, une demande à laquelle il devrait répondre positivement.
    Marie Buteau et son frère avaient assisté à la petite cérémonie en affichant un recueillement de bon aloi. Quand elle vit le commerçant revenir vers la manufacture, la jeune fille déclara:
    —    J'aimerais te présenter à lui.
    Fendant la petite foule avec l'abbé en remorque, elle déclara d'une voix timide quand elle fut près de son patron :
    —    Monsieur Picard, voici mon frère Emile, le nouveau
    vicaire de Saint-Roch.
    —    Monsieur l'abbé Buteau, je me souviens d'avoir assisté à votre ordination. Vous plaisez-vous dans vos nouvelles fonctions ?
    —    Oui, beaucoup.
    —    Je crois que vous venez aussi à la maison voir ma pauvre femme. Je n'ai malheureusement jamais eu le plaisir de vous rencontrer à ce moment, puisque je suis au magasin tous les jours.
    Le curé lui-même avait inauguré ces visites, quelques années plus tôt. La présence d'une nouvelle recrue au presbytère lui avait permis de passer la main pour cette corvée lassante.
    —    Oui, j'ai ce privilège.
    —    Je vous remercie pour elle. Si vous voulez m'excuser, je vais rejoindre mes autres invités. Nous nous reverrons demain à la première heure, mademoiselle Buteau.
    Remettant son chapeau sur sa tête, Thomas Picard alla retrouver son ancien secrétaire, en grande conversation avec les trois hommes venus des Etats-Unis afin d'installer les quelques machines nécessaires à la fabrication de gants. Isolés par la langue, ils jetaient un regard amusé sur l'assistance, se souvenant sans doute de scènes analogues survenus dans les états américains du sud, où la population noire de religion baptiste fournissait la main-d'œuvre médiocrement payée de ce genre de manufactures. Plus au nord, le français et le catholicisme caractérisaient plutôt la chair à usine.
    —    Voilà l'homme au service duquel je passerai désormais six jours par semaine, près de dix heures par jour, commenta la jeune fille en le surveillant des yeux.
    —    Garde tes distances, rétorqua son frère.
    —Je ne comprends pas... Depuis des semaines, tu me
    presses d'obtenir un poste de secrétaire.
    —    Et aujourd'hui, je suis très heureux que cela se réalise enfin. Cependant, les longues journées en tête-à-tête avec un homme peuvent présenter bien des dangers.
    Emile Buteau, quoique blindé contre les calomnies et même les médisances, gardait toutefois en mémoire les allusions à peine voilées d'Alice Picard sur les inclinations de son époux. Etaient-elles limitées à une préceptrice ?
    —    Tu sais, le tête-à-tête, ce sera avec la machine à écrire, plus rarement avec le téléphone. Il sera dans son bureau, et moi dans le mien.
    —    Tout de même, demeure prudente. Allons-nous manger? Cet après-midi, je suis responsable des vêpres. Je devrai rentrer tôt.
    Comme lors des fêtes de la Saint-Jean, le respect docile des ouailles leur valut d'être servis avant la plupart des autres. À la longue table, de nombreuses collègues vinrent saluer Marie Buteau, la féliciter de sa promotion récente, parfois avec une pointe d'envie dans la voix. Chaque fois, elle en profitait pour présenter son frère. Une

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