Fausta Vaincue
pièges qu’il pouvait cacher.
Cette nouvelle situation des esprits se traduisit par une sorte de trêve tacite, comme était tacite le formidable duel engagé entre les deux partis.
Le roi avait-il préparé un guet-apens ? Ou bien réellement se livrait-il ?… Voilà la question qui se posait.
La trêve dura un mois, c’est-à-dire jusqu’aux environs de la Noël. Pendant ce temps, il y eut force conciliabules en différentes maisons de la ville. Pendant ce temps aussi, la duchesse de Nemours, mère des Guise, arriva à Blois. Pendant ce temps, enfin, le roi accumula les preuves de son effacement, on eût pu dire de son écroulement.
Il n’en est pas dans l’histoire de beaucoup plus dramatiques et émouvantes que celle-ci.
Pour revenir à la scène que nous racontions, le duc de Guise, lorsque le roi eut fini de parler, dut faire un violent effort sur lui-même pour ne trahir ni la joie ni l’inquiétude qui l’envahissait à la fois. Ce qui lui parut le plus favorable dans cette minute critique, ce fut d’être aussi naturel que le roi l’avait été. En conséquence, il s’inclina de l’air d’un homme qu’une pareille proposition n’avait pu surprendre, et dit :
– Je remercie Votre Majesté de l’honneur qu’elle veut bien me faire. Je garderai les clefs du château, puisque le roi le veut. Mais je ne les garderai qu’autant que cela plaira à Votre Majesté, car il n’est jamais entré en mon esprit de réclamer pour moi l’application d’un privilège aussi périlleux…
Guise, comme nous avons pu le voir déjà, manquait d’à-propos dans ses réparties. Peu s’en fallut que le roi ne lui répondît : « Mais, monsieur, c’est non seulement un privilège pour vous, mais encore un devoir de garder les clefs, car en votre qualité de grand maître, vous êtes préposé à ma sûreté personnelle… »
Un regard de Catherine arrêta le roi à temps. Il se contenta de sourire et, ayant fait appeler le capitaine Larchant, lui donna l’ordre de remettre tous les soirs au duc de Guise les clefs de la forteresse.
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Chapitre 30 AUX APPROCHES DE NOEL
L e 15 décembre 1588, il gela à pierre fendre. Le roi fit annoncer qu’il était malade et qu’il n’y aurait point conseil. En conséquence, le duc de Guise, qui au matin s’était présenté comme d’habitude aux appartements royaux, s’en retourna chez lui avec ses frères. L’escorte composée d’une centaine de gentilshommes qui ne le quittaient jamais sortit du château avec les Guise. Les courtisans royalistes s’en allèrent aussi, le roi ayant dit qu’il ne quitterait pas la chambre. Bientôt il n’y eut plus dans le château que les gens d’armes, les sentinelles et les patrouilles parcourant d’un pas pesant les cours et les couloirs de quart d’heure en quart d’heure. Dans les appartements du roi, il n’y eut plus que le service ordinaire de Sa Majesté. Quant à la ville, elle était déserte. Chacun demeurait chez soi. Le froid semblait avoir arrêté tout mouvement. Il ne neigeait pas, mais le ciel était gris et triste. La Loire charriait des glaçons. Un lourd silence pesait sur le château, la ville et sur toutes choses…
Et c’était un silence d’une infinie tristesse, lourd d’angoisse et de menaces.
Dans la chambre du roi, un bon feu de hêtre flambait au fond de la cheminée monumentale. Henri III, pensif et pâle, était assis près de la cheminée ; parfois il jetait un regard sur la fenêtre comme pour interroger le silence extérieur. Il était assis à droite du feu, face à la fenêtre. A gauche de la cheminée était assise Catherine de Médicis, plus immobile, plus pâle dans ses voiles noirs, plus spectrale que jamais. Et elle était là comme la figuration visible de ce silence glacé, de cette angoisse et de cette menace qui étaient au fond de l’air, au fond de toutes choses…
Un gentilhomme entra. Il était si bien enveloppé dans son manteau qu’il eût été impossible de voir son visage. Mais le roi et la vieille reine n’avaient pas besoin de le voir sans doute.
– C’est pour bientôt, dit le gentilhomme à voix basse.
– Quand ? demanda Catherine, tandis que frissonnait le roi.
– Je ne sais pas le jour exact, qui n’est pas fixé. Mais ce sera avant Noël. Dès que le jour sera fixé, vous le saurez, Majestés.
Le roi remercia de la tête, sans un mot. Et la reine dit :
– Vous pouvez vous retirer. Toujours par le petit escalier…
Le
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