Fausta Vaincue
car le roi le lui avait commandé une fois pour toutes, en lui disant que pour son féal cousin de Lorraine, la nuit ou le jour, il serait toujours là.
Ce matin-là, comme de coutume, les postes furent relevés et changés par le capitaine Larchant. Seulement, on ne plaça que des postes simples. Au grand porche, notamment, où il y avait toujours quarante hommes de garde, il n’y en eut que dix. Il en fut de même à tous les autres postes. En sorte que le château semblait dégarni de ses ordinaires défenses.
Seulement, celui qui eût jeté un coup d’œil sur cette cour intérieure que l’on voyait par la fenêtre du cabinet de travail, eût aperçu là trois cents hommes d’armes immobiles et silencieux. Tous étaient armés d’arquebuses.
Seulement, aussi, celui qui eût pu entrer dans une vaste salle située près du corps de garde et qui servait ordinairement de magasin d’armes, eût aperçu là quatre couleuvrines de campagne montées sur leurs affûts. Les couleuvrines étaient chargées. Autour de chacune d’elles, les quatre servants étaient à leur poste, et huit hommes attelés à des cordes étaient prêts, dès que la grande porte du magasin s’ouvrirait, à traîner chaque couleuvrine dans la cour et à l’y mettre en batterie.
Dans la cour carrée, Crillon allait et venait en sacrant sourdement et en mordant sa moustache avec fureur. De-ci, de-là, quelques officiers désœuvrés, quelques sentinelles nonchalantes, quelques gentilshommes causant chasse à courre. Dans le grand escalier, comme à l’habitude, des courtisans montant et descendant. Dans le salon, personne, si ce n’est quelque laquais, rapide et silencieux. Au total, les abords de l’appartement royal avaient leur aspect ordinaire.
Traversons maintenant le salon et pénétrons dans cette antichambre que nous avons dit être le centre de la scène que nous essayons de mettre en place. Là, une trentaine de gentilshommes attendent, – de ceux que le roi appelait ses ordinaires… de ceux que le peuple appelait les Quarante-Cinq assassins. Ils sont vêtus comme d’habitude. Mais sous le pourpoint de soie ou de velours, tous ont endossé la cuirasse de cuir ou la cotte de mailles.
Entrons dans la chambre du roi. Comme le soir où les grandes décisions ont été prises, Henri III est assis près du feu vers lequel il tend ses mains pâles. Debout près de lui, Catherine de Médicis, pareille à un spectre noir, Catherine livide sous ses voiles de deuil, Catherine affreusement malade, mais debout à son poste par un terrible effort de son énergie agonisante.
Dehors, il fait un froid noir. Un ciel d’une infinie tristesse, un large silence pesant sur toutes choses. Au loin, ce silence et cette solitude du ciel sont parfois rompus par des vols de corneilles ou de corbeaux qui passent en bandes en secouant lourdement leurs ailes funèbres, comme s’ils jetaient sur la terre des pensées de mort.
Catherine de Médicis et le roi – deux fantômes – se parlent. Ils se parlent à voix basse et lente. Ils se disent les choses irrévocables.
– C’est le jour, dit Catherine, le grand jour…
– Le jour du meurtre, dit sourdement le roi.
– Le jour de votre délivrance, mon fils. Ce soir, à dix heures, comme une bande de loups rués dans les ténèbres, les gens de Guise doivent se précipiter sur ce château dont ils ont les clefs. Ce soir, à dix heures, leur troupe altérée de sang royal doit se glisser le long de cet escalier. Ce soir, à dix heures, on égorgera tout ce qui tentera de s’opposer à la marche des assassins… on enfoncera la porte de cette chambre… on poignardera le roi dans son lit…
Henri III frissonne. Une sorte de gémissement râle dans sa gorge. Et il lève sur sa mère des yeux d’épouvante.
– Ce soir, continua Catherine de Médicis, ce soir le roi de France sera égorgé… si…
Elle s’arrête sur ce si, avec un sourire qui ferait reculer dix hommes d’armes, et elle achève :
– Si la mère du roi ne veillait !… Mais elle veille !… Venez, messieurs les égorgeurs, et vous allez voir de quoi la vieille est capable !… Me tuer mon fils !…
Elle éclate de rire… d’un rire silencieux et fantastique sur cette figure livide de spectre.
– Henri, reprend-elle, es-tu prêt, mon fils ?…
– Oui, ma mère ! répond le roi d’une voix tragique.
– Eh bien, embrasse-moi ! Puis, taisons-nous et donnons la parole à Dieu !…
Pâle et
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