Fausta Vaincue
retournait, et soudain, il trouva devant lui le jeune duc qui dégainait en disant :
– Arrière, monsieur, ou vous êtes mort !…
La rapière de Maurevert flamboya au soleil ; au même instant il tomba en garde et fonça furieusement, non pour tuer, mais pour passer… L’épée de Charles le piqua au visage… Il recula !…
Alors, pendant quelques minutes, ce fut un spectacle terrible.
Silencieux tous deux, les deux adversaires se tenaient, les épées engagées, sans un geste… Soudain, un bras se détendait… Puis tous deux reprenaient la garde…
Mais à chaque coup porté par Maurevert, Charles, après une parade demeurait en place ; tandis qu’à chaque fois que son bras à lui, se détendait, la pointe touchait presque le visage de Maurevert qui bondissait en arrière… Et alors, le jeune duc avançait vivement de plusieurs pas… Ecumant, livide, d’une pâleur mortelle, Maurevert essayait alors de passer à droite ou à gauche… Mais toujours, devant son visage, il trouvait la pointe menaçante. Il reculait, il remontait vers la croix… et comme il y arrivait enfin, il entendit un étrange éclat de rire qui semblait sortir de la tombe…
Alors, un frisson glacial le saisit, et il jeta ou plutôt laissa tomber son épée et se retourna : il vit Pardaillan qui n’avait pas bougé de sa place… Il vit la femme aux cheveux d’or qui venait de pousser cet éclat de rire funèbre… Et il se jugea perdu sans rémission.
– Chevalier, dit le duc d’Angoulême, tolérez que je me tienne près de monsieur pour le cas où il lui prendrait fantaisie de faire encore jouer ses jambes et les miennes…
– Monseigneur, répondit Pardaillan, veuillez remettre à cet homme son épée…
Le duc obéit, ramassa la rapière par la pointe et la présenta par la poignée à Maurevert qui la prit machinalement et la rengaina.
– Maintenant, monseigneur, reprit Pardaillan, veuillez retourner à votre place. Cet homme ne tentera pas de fuir, maintenant.
Sans hésitation, le duc d’Angoulême s’écarta, et comme il avait fait précédemment, il se croisa les bras. Alors, comme si rien ne se fût passé, comme si rien n’eût interrompu les paroles qu’il adressait tout à l’heure à Maurevert, Pardaillan continua :
– La question que j’ai à vous poser, monsieur, la voici : que vous avait-elle fait, elle ? Que vous ayez essayé dix fois, vingt fois, de me frapper à mort, c’était tout naturel. Que vous m’ayez cherché dans l’hôtel de Coligny, que vous ayez lancé contre mon père et moi une troupe de tueurs que le grand carnage rendait tous furieux, je le comprends encore. Que vous ayez tenté de nous écraser sous les ruines fumantes de l’hôtel de Montmorency, c’était encore de bonne guerre ! Mais elle !… (Il sentait que s’il prononçait le nom de Loïse, il allait éclater en sanglots.) Elle !… Que vous avait-elle fait ? Pourquoi est-ce elle que vous avez touché de votre poignard, lame de poison… et non pas moi… ou le maréchal de Montmorency… ou mon père ?… Que vous n’ayez pas eu pitié de tant d’innocence, de jeunesse et de beauté, voilà ce que je cherche à comprendre depuis seize ans sans y parvenir !
Et si fort qu’il fût, quelle que fût à ce moment la haine qui ravageait son cœur, Pardaillan ne put étouffer un râle de détresse et d’amour…
– Voilà ma question, reprit-il au bout de quelques instants… Vous ne répondez pas ?…
Maurevert se taisait en effet… Et qu’eût-il pu dire ?… Quelle explication eût-il pu donner ?… Mais ce n’était pas là ce qui lui fermait ses lèvres crispées par l’épouvante. Ce qui l’empêchait de parler, ce qui faisait qu’il entendait à peine Pardaillan, c’était l’horreur de la mort qu’il sentait proche et qui déjà, de son doigt glacé, le touchait au front.
Pardaillan s’approcha de lui jusqu’à le toucher presque. Maurevert laissa échapper un sourd gémissement. Il oubliait que Pardaillan lui offrait un combat loyal ; il oubliait que ce combat devait avoir lieu loin de Montmartre, loin de la tombe où dormait de son éternel et paisible sommeil le vieux routier qu’il avait aidé à tuer…
Il songeait seulement qu’il allait mourir… et qu’il était jeune encore… et que la vie eût pu être belle encore… et qu’il souhaitait ardemment de vivre encore, ne fût-ce qu’un jour… une heure !…
– Vous ne répondez pas, dit alors
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