Fausta Vaincue
Pardaillan. Eh bien !, il faut que je vous le dise : c’est pour cela… c’est pour cette égratignure au sein de cette enfant que j’ai résolu de vous tuer. Car c’est cela qui fait de vous un être à part dans les annales de l’infamie et de la lâcheté. Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur. Tout le reste vous est pardonné. Mais cela, j’ai voulu vous le faire expier par seize ans d’épouvante. Et aujourd’hui, je trouve que vous avez assez eu peur de la mort pour mourir enfin ; et puisque je vous rencontre sous mon pied, je vous écrase… Maurevert, vous allez mourir…
Maurevert s’abattit à genoux, leva son front ruisselant de sueur glacée et gronda d’une voix rauque :
– Laissez-moi vivre… Faites-moi grâce de la vie… Grâce !… Ne me tuez pas aujourd’hui !…
– Un homme en vaut un autre, dit Pardaillan. Tirez votre épée… Le hasard peut-être vous fera grâce !
– Je ne veux pas me défendre ! Je ne veux pas ! Je ne peux pas !…
– Vous dites que vous ne pouvez pas vous défendre ?…
– Non !… oh ! non !…
– Vous êtes donc bien sûr de mourir ?
– Mourir !… oui !… Je sens… je sais que vous allez me tuer ! râla Maurevert au paroxysme de la terreur.
– Vous êtes donc bien sûr que j’ai le droit de vous tuer ?… que votre vie m’appartient ?
– Oui !… gémit Maurevert dans un souffle d’agonie.
Et il courba la tête avec une sorte de long hurlement.
– Grâce ! Grâce !… Au nom de Loïse ! Ne me tuez pas !…
Pardaillan, à ce nom, frissonna. Il se pencha vers Maurevert et le toucha à l’épaule. Puis, jetant vers le duc d’Angoulême un regard que le jeune duc eût trouvé sublime s’il eût connu le sacrifice qu’exprimait ce regard, il dit :
– Relevez-vous… écoutez-moi… peut-être puis-je vous faire grâce comme vous me le demandez…
D’un bond, Maurevert fut debout. Ses mains crispées se serrèrent convulsivement l’une contre l’autre.
– Oh ! râla-t-il, que faut-il faire ? Parlez !… Ordonnez !… Oui, vous avez droit de vie et de mort sur moi ! Oui, j’ai été infâme !… Mais vous… vous dont on dit que vous êtes le dernier chevalier de notre âge… vous qui êtes la bravoure et la générosité… oh ! vous serez aussi le pardon !…
Le rire de la femme aux cheveux d’or, le rire étrangement funèbre de cette femme debout, toute raide, appuyée à la croix, retentit de nouveau… Et Pardaillan tressaillit… Quant à Maurevert, il n’entendait plus. Toute sa vie était suspendue à la parole qu’allait dire Pardaillan.
– Vous parlez de pardon, fit celui-ci en secouant la tête. Je puis faire grâce, mais non pardonner. C’est à vous-même qu’il faut demander pardon… Quant à moi, voici ce que je puis faire…
Ici, un soupir s’étrangla dans la gorge de Pardaillan. Mais reprenant aussitôt toute sa volonté, il continua :
– Vous avez assassiné une jeune fille… Il en est une autre à laquelle vous pouvez rendre la vie et le bonheur : contre la vie de Violetta, je vous fais grâce pour la mort de Loïse.
Charles se rapprocha d’un bond, saisit la main du chevalier, et le cœur débordant, murmura :
– Pardaillan !… mon frère !…
– Violetta ? fit Maurevert. Vous dites que si je vous rends Violetta, vous me faites grâce de la vie ?…
– Je le dis, répondit simplement Pardaillan. Vous avez tué un amour, rendez la vie à un autre amour. Vous avez brisé une existence : la mienne. Assurez-en une autre, celle de M. le duc d’Angoulême ici présent. Et je vous oublierai. J’oublierai jusqu’à votre nom… comme si vous étiez mort de ma main… ainsi que je l’avais convenu avec moi-même depuis seize ans !… Parlez donc : où est cette jeune fille ?
Maurevert répondit :
– Je l’ignore !… Sur Dieu qui m’entend, par ce soleil qui nous éclaire, je l’ignore !… Tout ce que je vous ai dit à la Bastille ? Mensonge ! Toutes mes menaces ? Mensonge ! Simple espoir de vous faire souffrir ! J’ignore. Oui, sur le salut de mon âme, j’ignore où est cette jeune fille… mais…
A ce dernier mot, Pardaillan respira. Charles, qui sentait le désespoir l’envahir, se reprit à espérer. Et tous deux s’écrièrent :
– Mais ?… Vous dites : mais… vous savez donc quelque chose ?…
– Il ne sait rien ! C’est un imposteur ! Qui peut savoir où est la
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