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Faux frère

Faux frère

Titel: Faux frère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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les yeux. De temps à autre, il lançait une kyrielle d’injures à ses tourmenteurs avant de succomber à des accès de toux qui lui rejetaient la tête contre le bois.
    Corbett et ses compagnons jouèrent des coudes et pénétrèrent dans le cimetière mal entretenu. Cade se rendit au presbytère, frappa à la porte et parla à quelqu’un à l’intérieur. Quelques minutes après, une petite silhouette corpulente apparut sur le seuil, un énorme trousseau de clés à la main. Corbett décocha un regard d’avertissement à Ranulf pour qu’il ne commît pas d’impairs : le tour de taille du curé, en effet, ainsi que ses joues bien roses et sa démarche nonchalante comme celle d’une femme disaient assez que cet homme d’Église s’intéressait plus aux biens d’ici-bas qu’au salut des âmes. Sa cape en tissu vert de Lincoln était bordée de petit-gris tandis que des bijoux de pacotille étincelaient à ses doigts et à ses poignets. Ses yeux de fouine fixaient Corbett avec courroux. Il n’y eut pas de présentations. Le prêtre ouvrit un sachet de cuir et en sortit trois éponges imbibées de vinaigre et d’herbes odoriférantes.
    — Vous en aurez besoin, déclara-t-il d’un ton rogue en les leur tendant. Maintenant, suivez-moi !
    Il les amena derrière l’église, au dépositoire, une longue cabane sans fenêtres. Il déverrouilla la porte et leur fit signe d’entrer.
    — Un beau spectacle ! commenta-t-il, caustique. J’enterre cette pauvre fille dans une heure. Il y a une chandelle sur la saillie du mur à droite.
    Corbett affronta l’obscurité le premier et sentit immédiatement l’odeur de putréfaction. Heureusement qu’il était muni de cette éponge et qu’il avait un estomac à toute épreuve ! Ranulf, par contre, devint verdâtre ; aussi, après avoir allumé la chandelle avec de l’amadou, Corbett lui ordonna-t-il de rester dehors.
    — Ne faites pas attention aux rats ! leur cria le curé. Le cercueil est posé sur des tréteaux, au centre.
    Corbett leva la chandelle et, malgré l’inconfort de la situation, ressentit un pincement de compassion à la vue de la bière oblongue et solitaire. Cade, marmonnant des jurons, souleva le couvercle mal ajusté, découvrant l’horrible vision. Apparemment, la jeune femme allait être enterrée dans l’état où on l’avait trouvée : nul n’avait fait sa toilette mortuaire. Son visage, blanc comme linge, paraissait encore plus affreux à la lueur tremblotante de la bougie, sa peau était déjà boursouflée et son corps gonflé par la mort. Corbett examina la longue estafilade violette qui coupait la trachée-artère. Cade, pressant l’éponge sur son nez et sa bouche, souleva la robe de la malheureuse. Corbett ne jeta qu’un coup d’oeil à la mutilation avant de se détourner et de vomir le vin qu’il venait d’avaler. Il tituba jusqu’à la porte, suivi de Cade, livide. Ils sortirent à l’air libre et Corbett laissa tomber son éponge et la chandelle aux pieds du curé.
    — Que Dieu ait pitié de son âme ! murmura-t-il entre deux renvois. Elle était la fille de quelqu’un, la soeur de quelqu’un !
    Il pensa soudain à sa petite Aliénor. La masse de chair éventrée qu’il venait de voir avait été, elle aussi, un bébé gazouillant dans un berceau, autrefois.
    — Que Dieu lui fasse miséricorde ! répéta-t-il.
    Il s’accroupit et s’essuya la bouche d’un revers de main. Ranulf apporta une aiguière du presbytère et, sans crier gare, versa de l’eau pour que Corbett se lave mains et visage. Le clerc se releva et défit son escarcelle, non sans avoir foudroyé l’ecclésiastique du regard. Deux pièces d’argent roulèrent vers ce dernier.
    — Voici, mon père ! bougonna Corbett. Faites célébrer une messe pour elle. Et, par pitié, avant de l’enterrer, versez un mélange de vinaigre et d’eau de rose sur le cercueil, et recouvrez la dépouille d’un linceul. Sa vie a probablement été un enfer et sa mort fut atroce. Elle a droit à quelque respect.
    Le curé repoussa les pièces de sa botte de cavalier.
    — Je m’y refuse ! se récria-t-il d’une voix aiguë.
    — Dieu m’est témoin que vous le ferez ! rugit Corbett. Ou que vous trouverez quelqu’un pour le faire ! Sinon, je veillerai à ce que l’on vous enlève ce bénéfice ! Je le vérifierai... ! Je crois savoir que le roi a besoin de chapelains pour son armée en Écosse !
    Le clerc se redressa de toute sa taille

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