Favorites et dames de coeur
dans ses lettres Françoise « la mal mariée » et, démêlant les querelles d’héritage après la mort de Jean de Laval, l’avocat Séguier évoqua la « mésintelligence du mari et de la femme » dans un mémoire justificatif. Cette mésentente avait un nom : celui du roi.
François I er sut vite que Jean de Laval deviendrait une pièce maîtresse de son échiquier politique : par ses alliances, sa fortune et son influence, il maintiendrait les barons bretons dans l’obéissance et contribuerait ainsi à l’union de l’Hermine et des Lys. Le roi dut apprendre par la même occasion que ce grand seigneur avait épousé l’une des plus belles femmes de son royaume et qu’il en paraissait toujours aussi épris. Une telle femme serait un atout supplémentaire pour sa mission, si on lui accordait le poste prestigieux et fort convoité de dame d’honneur de la reine. Les Laval réapparurent à la cour à la fin de 1516 ou au début de 1517. Très certainement, Françoise charma le roi par son esprit à la foi naturel et raffiné, son élégance, sa distinction et son savoir : elle parlait le latin, l’italien et l’espagnol aussi bien que le français. Il n’en fallait pas plus pour éveiller la curiosité intellectuelle d’un monarque galantuomo.
Jaloux, attentionné mais ambitieux, Jean de Laval ne réagit pas lorsque le roi offrit une somptueuse broderie à sa femme ; lui-même avait reçu, honneur insigne, le commandement d’une des compagnies d’ordonnance du souverain. Séduite à son tour, Françoise répondit par une lettre respectueuse et pleine de tact, signée de son nom de jeune fille ; ce détail surprenant pourrait bien signifier qu’elle dissociait ses actes personnels de sa vie officielle d’épouse de haut dignitaire.
De cadeau en lettre et de lettre en discussion, Françoise ne tarda pas à devenir publiquement la « mye du roi de France », geste dont la délicatesse la toucha beaucoup. En revanche, la sollicitude royale dut moins plaire au mari, alors que tromper un jaloux constituait un piment supplémentaire pour ce monarque amateur de jolies femmes. La faveur de Françoise de Foix éclata au grand jour lors du baptême du dauphin, le 25 avril 1518 : entre-temps promue dame d’honneur de la reine Claude, la jeune femme assistait à la cérémonie, juste derrière les princesses du sang, alors que le mari se trouvait relégué parmi les grands officiers de la Couronne… C’est de ce moment-là que Françoise, profondément amoureuse, céda aux avances du roi et lui écrivit cette déclaration :
Ce que je te veux maintenant révéler
C’est qu’il te plaise de garder mon honneur
Car je te donne mon amour et mon cœur.
Jean de Laval apprit que sa femme « joyeusement se frottait le lard 23 » avec un autre que lui, et que cet autre était le roi de France en personne. S’il ne laissa rien paraître de sa colère, quelques méchantes langues jurèrent qu’il abreuva Françoise d’insultes et la battit comme plâtre. Il s’en tint là et François I er eut de la chance que le mari trompé restât loyal à la Couronne ; il aurait pu légitimement se révolter, car selon le code d’honneur féodal, certes tombé en désuétude mais imprégnant toujours les esprits, le suzerain qui prenait la femme de son vassal commettait un déni de justice. Quelques siècles plus tôt, on se rebellait pour moins que ça.
Le 7 décembre 1519, François I er désigna Jean de Laval pour convaincre les États de Bretagne de consentir au fouage, impôt royal à fort revenu. Il reconnaissait ainsi les qualités de diplomate du mari de sa favorite, en même temps qu’il éloignait un fâcheux ; car, tandis que Jean de Laval partait pour la Bretagne où il accomplit sa mission au mieux des intérêts du roi, Françoise resta à la cour, c’est-à-dire dans le lit du souverain… Celui-ci l’entraîna en Normandie, puis dans le Lyonnais et en Aquitaine, notamment à Cognac, sa ville natale, ce qui fit grincer les dents de la reine mère Louise de Savoie. Celle-ci supporta plus mal d’héberger la favorite dans son propre château de Romorantin, son fief, sur ordre du roi son fils, qui ne se gênait pas pour rejoindre Françoise à la nuit tombée.
Françoise reçut de somptueux cadeaux, ce dont on fit grief au roi : ses plaisirs coûtaient cher au trésor royal. Le roi, qui était dépensier, haussait les épaules sous de tels reproches. Parmi les bijoux donnés à sa
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