Favorites et dames de coeur
scènes, tiraillé entre ses deux « reines de cœur » – il était veuf de la vraie reine, Claude de France, morte en 1524 –, François I er voulut les concilier et proposa la seconde place à Françoise. Il aurait ainsi gagné sur les deux tableaux. La fière descendante des Foix se cabra et refusa net ; elle venait en outre de perdre son dernier appui auprès du roi : son frère Odet était mort de la peste en Italie (août 1528). Elle préféra quitter la cour.
Définitivement réinstallée à Châteaubriant, Françoise s’occupa avec dévouement du fils et de la fille d’Odet, dont Jean de Laval était le tuteur légal par testament. Elle se plia de bonne grâce aux responsabilités accrues de son mari, que le roi nomma gouverneur de Bretagne en 1531. Plus que jamais, elle devait tenir sa maison et son rang. Elle prit aussi une part très active à l’embellissement du château : son mari lui réserva la partie centrale, la plus agréable ; elle disposa d’appartements, d’une « chambre dorée » et d’un oratoire privé. Nous sommes bien loin de la prétendue séquestration dans un sinistre donjon telle que le conte une légende à dormir debout.
En 1531, un an après avoir fondé l’institution des Diamants de la Couronne, qui déclarait ces joyaux biens inaliénables du Trésor royal (15 juin 1530), François I er réclama ses bijoux à Françoise. En réalité, il souhaitait les voir portés par Anne de Pisseleu. Le fameux collier d’or à devises gravées faisait partie du lot ; afin que nulle rivale ne disposât des formules d’amour chères à son cœur, Françoise le fit fondre et le renvoya au roi sous forme de lingots. Conscient de sa bévue, François I er lui retourna l’or, dont il n’avait que faire, car il ne tenait qu’aux devises. « Un cœur de femme généreuse dépité et ainsi dédaigné fait de grandes choses », conclut Brantôme, qui conta l’histoire. Plusieurs courtisans n’aimaient pas Anne de Pisseleu et approuvèrent l’initiative de Françoise. Pour se faire pardonner son manque de tact, le roi accorda alors à celle-ci les revenus d’une seigneurie du Blésois.
Les deux amants se retrouvèrent une dernière fois, lorsque la cour s’établit le 14 mai 1532 à Châteaubriant pour six semaines. Le roi séjournait en Bretagne pour présider une séance solennelle des États et assister au couronnement du dauphin, nouveau duc de la province. Le gouverneur Jean de Laval devait accompagner le roi en tous lieux. L’harmonie régna durant ce séjour : François I er , qui n’avait pas emmené Anne de Pisseleu, fut ébloui par la somptueuse demeure de ses hôtes et eut de fréquentes discussions politiques avec eux.
Une anecdote plaisante raconte qu’au cours d’une promenade équestre avec Françoise, le roi renversa une jeune paysanne qui, rouge d’émotion, lui apportait des fleurs. Il la releva comme une plume, la porta chez elle, fit quérir le nécessaire auprès de ses gens et resta, dit-on, trois jours au chevet de la pauvrette pour la soigner… On peut s’interroger sur la nature de ces « soins » quand on connaît la réputation de François I er ! Le lieu de l’épisode s’appela désormais « la Cour au Roy ».
Le souverain remercia Françoise de son hospitalité par le don de la châtellenie de Suscinio, résidence des ducs de Bretagne où naquit le comte de Richemont 25 . Cadeau royal, mais cadeau d’adieu aussi : les deux anciens amants se quittèrent vers la fin de l’été 1532. Ils ne devaient plus jamais se revoir.
Derniers feux
Le 22 octobre 1535, devant toute la haute noblesse de Bretagne, Claude de Foix, nièce de Françoise, épousa Guy, neveu de Jean de Laval. Pour Françoise, une page de sa vie était désormais tournée.
En 1537, deux poètes, habituels commensaux du sire de Châteaubriant, Clément Marot et François Sagon 26 , se querellèrent. Chacun des deux prétendit d’abord posséder plus de talent que l’autre, après quoi ils s’insultèrent copieusement, avec des termes rabelaisiens qui feraient rougir nos petits marquis des lettres d’aujourd’hui. Enfin, les deux rivaux s’en remirent à la décision de Françoise de Châteaubriant, « la personne la plus belle et la plus accomplie de son temps ». Sa compétence ainsi reconnue, elle accorda sa préférence à Sagon. L’affaire rencontra même un écho à la cour, toujours férue de débats littéraires.
Alors que Jean de
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