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Favorites et dames de coeur

Favorites et dames de coeur

Titel: Favorites et dames de coeur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pascal Arnoux
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volontiers les yeux quand, à son tour, elle se décida à goûter les piments de l’adultère avec le marquis de Puisieux. Sans être très belle – un long nez, une grande bouche – Louise de Mailly avait du charme ; de caractère plutôt enjoué, voire spontané et même irréfléchi, elle possédait la qualité rarissime du désintéressement.
    Marié à quinze ans et demi, Louis XV resta d’abord longtemps fidèle à la reine. Mais il avait hérité du chaud tempérament de ses ancêtres : lassé que Marie lui refusât trop souvent sa couche sous prétexte de ses fréquentes grossesses, il se résolut à chercher l’aventure ailleurs. À la cour, les occasions ne manquaient pas ; bien des femmes rêvaient de lui, du reste : visage d’adolescent sur un corps d’athlète, grand, élancé, le jeune roi passait déjà pour « le plus bel homme de son royaume ». Cet avantage physique allait curieusement de pair avec une timidité excessive et un goût presque maladif de la dissimulation. Il s’apprêtait à tromper la reine, à condition que la chose ne s’ébruitât point. Il lui fallait donc dénicher une partenaire discrète.
    Le roi choisit alors Louise de Mailly, qu’il connaissait depuis son mariage. L’air modeste de la jeune femme lui plaisait et le rassurait. Invité au château de Madrid un soir de mars 1733 chez sa cousine 182 Mlle de Charolais, il leva soudain son verre à « l’inconnue » , aiguisant ainsi la curiosité des convives. Mais seul Bachelier, premier valet de chambre de Sa Majesté, était dans le secret : honnête homme pour les uns, entremetteur pour les autres, intermédiaire discret en tous les cas, il escorta le roi jusqu’à la chambre de Louise-Julie, ou l’inverse, trois années durant. La reine se douta bien de quelque chose sans deviner la vérité ; aucun détail ne laissait supposer une liaison, fut-elle clandestine ; Louis XV ne combla pas sa favorite de somptueux cadeaux : ils auraient pu attirer les soupçons. D’ailleurs, il était économe.
    Au grand jour
    Quatre années d’amours occultes donnèrent quelque assurance à Louis XV, il cessa de dissimuler et, dès le printemps 1737, la cour et la ville n’ignorèrent plus rien de sa liaison. La reine s’en plaignit, mais l’adultère royal combla d’aise les chansonniers ; ils s’en donnèrent à cœur joie, d’autant que depuis la Régence, ils n’avaient pas eu grand-chose à brocarder :
    Notre monarque enfin
Se distingue à Cythère,
De son galant destin
On ne fait plus mystère
Mailly dont on babille
La première éprouva
La royale béquille
Du bon père Baraba !
    Louis XV installa Louise-Julie à côté de ses petits appartements ; pour sauvegarder les apparences, le logis fut officiellement attribué à un ami intime du roi, M. de Choiseul-Meuse, mais personne ne fut dupe. Louis XV se reposait chez elle des charges de l’État et lui confiait – ce qu’il ne fit jamais avec la reine – l’ennui qui lui pesait. Sa grande faveur dura plus de deux ans. Peu exigeante, la jeune femme ne coûtait pas cher à la Couronne, ne se mêlait pas de politique et ne prêtait guère attention aux commérages des courtisans ; les critiques l’épargnèrent. Elle avait élu Mlle de Charolais pour confidente. Mal supportée, et pour cause, par la reine durant son service au palais, Louise avait l’amitié du cardinal Fleury, qui la voyait d’un œil plutôt favorable : « Si vous saviez combien il était nécessaire que Mme   de Mailly eût le cœur du roi, combien il serait funeste de le lui enlever […]. Il a les vertus de Mme   de Mailly. Laissons-les lui 183  ! »
    Au zénith
    Louise-Julie ne provoqua pas de scandales, tout au plus des grincements de dents. Il y eut d’abord l’affaire des fourrures : elle demanda à son ami M. de La Chétardie, nommé ambassadeur à Saint-Pétersbourg, de lui acheter des fourrures et des toiles peintes pour la modeste somme de 300 livres. La Chétardie se renseigna auprès de la tsarine qui, apprenant le désir de la favorite, offrit avec une générosité toute russe deux magnifiques fourrures valant 90 000 livres ! Le paquet arriva à Versailles par la valise diplomatique ; par une involontaire indiscrétion du ministre des Affaires étrangères, on sut qu’il était destiné à Louise-Julie. Le roi plaisanta innocemment celle-ci à son petit coucher ; mal lui en prit : elle se mit en colère, disant qu’on la

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