FBI

qu’il a envoyée à l’ambassade soviétique il y a une semaine. Oswald dit que vous avez demandé à Marina de faire défection pour le compte des États-Unis. Lee dit avoir protesté avec vigueur…
    – C’est absurde, répond Hosty, je n’ai jamais demandé à Marina de faire défection. Elle est aux États-Unis en toute légalité, pour une durée indéfinie. Ensuite, pour ce qui est de la protestation vigoureuse de Lee, il s’agit sans doute du mot que j’ai reçu il y a dix jours. Je ne sais pas si on peut le qualifier de vigoureux… »
    Le SAC hoche la tête. Il continue à lire la liste des questions. Elles concernent les grandes étapes du dossier.
    Assis dans le bureau de Gordon Shanklin, ce samedi 23 novembre 1963, au lendemain de l’assassinat du trente-cinquième président des États-Unis, James Hosty répond aux questions de son SAC. Des bureaux voisins monte un brouhaha fait de cris d’agents, de crépitements de télex, de sonneries de téléphone, de cliquettements de machines à écrire. Les tempes de James Hosty bourdonnent, tandis qu’inlassablement lui revient à l’esprit la seule question que son SAC ne lui posera pas et qui le hantera toute sa vie : aurait-il pu empêcher l’assassinat du président John Fitzgerald Kennedy ?
    Chronique d’une mort annoncée
     
    Le 24 novembre 1963, peu avant 8 heures, lors du « point » du matin, le SAC de Dallas fait part à ses agents de sa préoccupation : ce matin-là, la police doit transférer Lee Harvey Oswald à la prison du comté. Mais elle ne prend pas au sérieux le coup de fil anonyme qu’elle vient de recevoir, annonçant un projet d’assassinat du détenu au cours de son transfert.
    Les journalistes sont conviés à assister au départ du prisonnier. Le maire a en effet donné l’ordre d’exhiber Lee Harvey Oswald le plus possible à la presse. James Hosty a constaté la veille que les journalistes entraient à leur guise au quartier général de la police. Et pas seulement les journalistes.
     
    Gordon Shanklin a besoin de témoins. Le SAC compose le numéro de téléphone du chef de la police de la ville.
    « Chef, ici Gordon Shanklin, vous vous souvenez de cet appel téléphonique nous prévenant tous les deux qu’Oswald serait tué ce matin lors de son transport…
    – …
    – Vous n’ignorez pas que je vous recommande instamment d’annuler ce transfert et d’essayer autre…
    – …
    – Vous allez quand même le transférer ?
    – …
    – Je voulais juste vous mettre en garde une nouvelle fois. »
    Rageur, Gordon Shanklin raccroche et secoue la tête. Avant de mettre fin à la réunion, le SAC donne un ordre à ses agents :
    « Tenez-vous à l’écart du transfert d’Oswald. Le Bureau ne doit pas être éclaboussé s’il vient à se passer quelque chose… »
    À 11 h 21, alors qu’il s’apprête à emprunter les escaliers pour descendre au onzième étage, James Hosty voit son superviseur, Ken Howe, se diriger vers lui en titubant entre les bureaux des agents. Il est rouge de fureur, il hurle :
    « Putain de merde, Jim ! Ils viennent de dégommer Oswald ! »
    James Hosty est frappé de stupeur. Ses jambes se dérobent sous lui. Il s’effondre dans l’escalier. Quand il recouvre ses esprits, il se dirige non sans mal vers son bureau. Après s’être laissé tomber sur sa chaise, il s’empare du premier rapport venu. Il le regarde, mais ne le lit pas. Il a juste de quelques minutes pour se ressaisir. Les pensées se bousculent dans sa tête. Un assassinat annoncé, des policiers avertis mais qui ne font rien… C’est louche. Et si la police de Dallas était impliquée dans l’assassinat d’Oswald ? Le doute lui traverse l’esprit, mais Hosty l’écarte vite. En bon agent du FBI, il sait que la réalité est toujours plus simple et plus tragique.
     
    Trois minutes plus tard, le téléphone sonne et tire James Hosty de son hébétude. C’est le capitaine Pat Ganoway, de la police de Dallas ; il veut savoir si le FBI a un dossier sur Jack Rubenstein, alias Jack Ruby, qui vient d’être arrêté pour l’assassinat de Lee Harvey Oswald.
    « Je vous rappelle », dit James Hosty avant de se précipiter aux archives.
    Il compulse l’index. Plusieurs entrées renvoient au nom de Jack Ruby. Toutes font référence au crime organisé. Hosty s’arrête sur l’entrée 137-681, qui indique que Jack Ruby est classé « PCI » ( Potential Confidential Informant ). Cela