FBI
modifient leur rapport sans en informer les deux agents du FBI. « S’ils nous l’avaient dit, explique Jim Sibert, on aurait corrigé notre rapport. »
Arlen Specter a une excellente raison de discréditer les deux agents du FBI : eux seuls sont susceptibles de contredire sa théorie de la « balle unique » qui aurait ricoché dans le corps de Kennedy pour ressortir par sa gorge avant d’aller blesser par trois fois le gouverneur Connally. Pour que sa théorie de la « balle magique » fonctionne, Specter a besoin que le premier impact se situe dans la nuque du Président. Or, les deux agents du FBI sont formels : la blessure qu’ils ont vue est située bien plus bas, légèrement à droite de la colonne vertébrale. La balle, ayant pénétré avec un angle estimé entre 45 et 60 degrés, n’a donc pas pu ricocher pour ressortir par la gorge et poursuivre sa trajectoire vers le gouverneur du Texas.
On l’a vu, les médecins légistes de Bethesda n’ont pas autopsié la blessure du dos. Arlen Specter en profite pour situer le point d’entrée de la balle à une dizaine de centimètres plus haut que celui noté par les deux agents du FBI dans leur rapport. Il ignore les premières remarques émises sur le peu de profondeur de la cavité. Son mensonge n’en devient pas moins la version officielle, et le rapport Warren valide la théorie de la balle unique entrée par la nuque de Kennedy pour ressortir et blesser plusieurs fois le gouverneur du Texas.
Cette version ne fait pas l’unanimité au sein de la Commission. Plusieurs de ses membres et enquêteurs partagent le point de vue des deux agents du FBI sur l’ineptie de la théorie de la « balle magique ». Ce qui ne fait pas du tout l’affaire de J. Edgar Hoover. Le directeur du FBI a besoin de contenir l’affaire Oswald et d’en réduire le périmètre. Si Lee Harvey Oswald a agi seul, s’il n’y a pas de complot, l’affaire se banalise, et le FBI a une chance de sortir sans trop de dégâts de la tempête qui balaie Washington. Il lui faut donc faire taire les dissensions au sein de la commission Warren. Un allié de poids va l’y aider : Gerald Ford.
Gerald Ford, l’homme du FBI
Représentant du Michigan au Congrès et futur président des États-Unis, Gerald Ford est un ami fidèle du Bureau. C’est un homme comme J. Edgar Hoover les aime, à la fois sportif (il a décroché une bourse d’études à l’université du Michigan pour ses talents de footballeur américain) et bûcheur (il a étudié le droit à Yale). Ford a présenté sa candidature au FBI en 1942. L’enquête préliminaire lui a été favorable, à un détail près : en 1941, à Yale, il a participé à la création du comité America First, le plus important groupe de pression contre l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Considéré par certains comme un nid de sympathisants pro-nazis, America First a été l’une des bêtes noires du FBI. Gerald Ford a dû retirer sa candidature pour s’engager dans l’US Navy et aller se battre à Okinawa. À la fin de la guerre, il s’est tourné vers la politique et a été élu pour la première fois au Congrès en 1946 sous l’étiquette républicaine.
William Sullivan, responsable de la section « Domestic Intelligence » du Bureau, fait remonter les relations entre Ford et le FBI à cette époque : « Hoover a un dossier complet sur chaque parlementaire, explique Sullivan. Il sait tout d’eux. Nos agents sur le terrain surveillent de près les élections et informent Hoover sur le point de savoir si les gagnants sont des amis ou des ennemis. Gerald Ford a prouvé son amitié quand, peu après son arrivée au Congrès, il a demandé une réévaluation du salaire de J. Edgar Hoover. Il l’a encore prouvée en tentant d’obtenir le départ d’un juge de la Cour suprême, William O. Douglas, ennemi de Hoover. »
En retour, le FBI a vérifié la ligne téléphonique du parlementaire, qui pensait être écouté. Le Bureau a aussi enquêté sur le personnel de maison de Gerald Ford. Dans le cadre d’un gros dossier de fraude fiscale, le FBI avait enregistré une conversation secrète entre Gerald Ford et Fred Black, puissant lobbyiste réputé pour ses contacts avec la Mafia ; la transcription a disparu. Gerald Ford a ainsi été épargné par le plus grand scandale du Washington des années 1960.
Le dossier Ford déclassifié par le FBI en 2008 (500 pages) témoigne
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