FBI
caverneuse, qui semble ne devoir jamais s’arrêter. Il se meurt à petit feu d’avoir respiré à pleins poumons des poussières d’amiante dans des circonstances que l’on verra. Mais rien ne semble pouvoir éteindre la lueur malicieuse qui luit dans son regard d’Irlandais ébouriffé à la trogne bonasse.
Ali Soufan, lui, était, à la veille du 11 septembre, un des rares agents du FBI à parler l’arabe. D’origine libanaise, ce jeune musulman, fils de deux cultures, n’a pas son pareil pour se mouvoir en territoire hostile. Avec Soufan pour guide, la saga du FBI parcourt la Corne d’Afrique d’Al Qaida, le Yémen, la Jordanie et l’Arabie Saoudite des bédouins, ou encore la Grande-Bretagne des Émirs.
Le témoignage d’Ali Soufan nous amène à nous poser une question troublante : le FBI aurait-il pu empêcher les attentats du 11 septembre ? Les agents et ex-agents que nous avons rencontrés le pensent. En mai 2002, le directeur du FBI, Robert Mueller, reconnaît que les attentats auraient peut-être pu être déjoués si les enquêteurs avaient prêté cas aux différents indices recueillis par les agences locales. Ancien responsable de la section anti-terroriste du FBI de Los Angeles, Mike German explique : « J’étais au courant depuis des années des dysfonctionnements de notre programme anti-terroriste. Il manque une vision d’ensemble ; jusqu’à ce qu’on règle les problèmes internes du FBI, rien ne changera ; les dangers persisteront. Les critiques de la commission d’enquête sur les attentats du 9/11 manquent de puissance d’analyse. Il n’y a pas de remontée d’informations de la rue vers la direction du FBI. Les agents ne partagent pas leurs informations, et l’informatique du Bureau est totalement obsolète. »
Buck Revell, ancien directeur de la cellule anti-terroriste, lui fait écho : « Jusqu’au 11 septembre, le FBI se servait d’écoutes et d’informateurs pour combattre le terrorisme. Le Bureau surveillait parfois les cellules pendant des années avant d’intervenir. Mais, depuis les attaques sur New York et Washington, cette stratégie a été revue à la baisse. Le FBI se contente désormais d’empêcher des actes terroristes en raflant des suspects bien avant qu’ils aient eu la moindre possibilité de passer à l’action. »
« Le monde a changé, les priorités aussi », rétorque le Procureur général John Ashcroft, quand il ordonne au FBI d’arrêter tous les suspects, quitte à les accuser de délits mineurs ou de violations des lois sur l’immigration. Ainsi, des centaines d’agents aidés par des policiers locaux ont entrepris, en 2002, d’interroger 5 000 ressortissants américains originaires du Moyen-Orient, choisis en fonction de leur âge et de leur pays d’origine.
Le 24 octobre 2001, afin de faciliter la tâche du FBI et des services secrets, le président Bush a signé la loi dite « Patriot Act » : cette nouvelle loi autorise les services de police et de renseignement à effectuer des écoutes sauvages et des perquisitions clandestines pratiquement hors de tout contrôle judiciaire. La majorité des agents du FBI applaudit des deux mains.
Seul Buck Revell et quelques-uns de ses anciens collègues du FBI ne cachent pas leur scepticisme : « Aucun des changements ordonnés par Ashcroft n’aurait pu faire que le FBI empêche les attentats du 11 septembre. Les 19 pirates de l’air ont agi seuls, ils appartenaient à une cellule terroriste autonome. Leur mission a été planifiée et financée depuis l’étranger. On oublie qu’entre 1981 et 2000, le Bureau a empêché 131 attaques terroristes de grande ampleur. Parmi les cibles, un avion de ligne 747, un gazoduc, une salle de cinéma géante bourrée à craquer, et le Premier ministre indien Rajiv Gandhi. »
Le FBI se prépare aux nouvelles menaces. En juin 2007, des pirates s’attaquent au système informatique du cabinet du secrétaire américain à la Défense, Robert Gates. Ce n’est pas la première fois. Le Département américain de la Défense a déjà repoussé des assauts similaires pendant plusieurs mois, avant d’être contraint de mettre hors service une partie de son système pendant plus d’une semaine. Le FBI enquête et remonte jusqu’à la source des attaques : l’armée chinoise.
Au terme d’un siècle d’existence, après être devenu un des grands instruments d’investigation de la principale démocratie du monde,
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