FBI
faut-il qu’il veuille bien les livrer.
Cartha Deke DeLoach n’est pas un fils indigne. Il y a ce qu’il dit et ce qu’il ne dit pas. La vérité ? Il faudra la lui voler. Aller au-delà des anecdotes, des histoires plus ou moins drôles, fouiller dans les souvenirs du vieil homme. La vérité ? Elle niche dans ses silences, ses mimiques, les replis de propos en apparence sibyllins. Elle se lit aussi entre les lignes des documents déclassifiés par le FBI qui portent sa signature. Elle se devine enfin dans ses dénégations et dans les témoignages de ses anciens pairs, amis ou rivaux.
C’est en 1942, à sa sortie de l’université de Stetson (Floride), que Cartha DeLoach rejoint le Bureau. Dans sa hâte d’intégrer l’équipe de J. Edgar Hoover, mais aussi faute de moyens financiers, il néglige de passer un dernier diplôme qui lui aurait permis d’y être admis en tant que Special Agent . Il commence donc par le bas en qualité d’employé de bureau. Il fait partie d’une fameuse équipe, celle des G-men qui ont débarrassé la planète de gangsters comme John Dillinger, Baby Face Nelson ou Pretty Boy Floyd. Sitôt admis, il demande à passer un examen pour devenir Agent spécial. Pas assez de diplômes et trop jeune, lui objecte son chef. Il demande alors à rencontrer Clyde Tolson, l’ombre de J. Edgar Hoover. Refus. DeLoach s’accroche et obtient un rendez-vous avec un adjoint de Tolson. Celui-ci, ému par tant d’enthousiasme, note dans son dossier : « DeLoach, ex-joueur de football américain, universitaire. » Il n’en faut pas plus pour que s’ouvre à lui l’école des agents, située sur la base de marines de Quantico, en Virginie, près de Washington. Au Bureau, tout est déjà affaire d’image. J. Edgar Hoover veut pour agents des gaillards taillés comme des armoires à glace, de préférence chrétiens et propres sur eux. La vie du jeune DeLoach vient de basculer, son salaire passe brusquement de 1 400 à 3 200 dollars… par an !
Du temps de Cartha DeLoach, on entre au FBI comme au monastère. Il faut en accepter les règles. La première : ne jamais « embarrasser le Bureau ». C’est la première leçon qu’apprennent les aspirants à l’école des agents de Quantico. « Le FBI, c’est comme une famille, explique l’ancien Agent spécial Ed Miller. Avant d’embarrasser sa famille, on y réfléchit à deux fois. Les gens ne veulent pas embarrasser leur famille. » Entré au FBI peu après Cartha DeLoach, Ed Miller a très tôt appris la leçon. Il a été sévèrement tancé par son superviseur pour avoir roulé avec sa voiture sur les plates-bandes de sa voisine, et a été prié de réparer les dégâts toutes affaires cessantes. En ce temps-là, on ne plaisantait ni avec la discipline, ni avec l’apparence. À la sortie de l’école de Quantico, tous les agents recevaient leur plaque, une arme et une mallette dont ils ne devaient jamais se séparer. « L’image du FBI a été soigneusement façonnée, commente le premier responsable de la Communication du FBI du XXI e siècle, John Miller1. Il fallait, à l’époque, identifier facilement les agents du FBI. C’étaient des hommes blancs, grands, portant costume sombre, chemise blanche, cravate sage et un chapeau Fedora. C’était un uniforme sans en être un. Si vous voyiez deux de ces gars venir vers vous dans la rue, vous deviez être capable de dire : “Ce sont des agents du FBI !”
À l’époque, une fois leur candidature acceptée, certains agents pensaient : “Mon Dieu, je vais devoir porter chemise blanche et chapeau toute ma vie !” » Cartha DeLoach n’est pas de ceux-là ; il est fier de son « uniforme » et impatient d’en découdre.
À l’époque, un principe de base régit l’existence des jeunes agents. Dès leur entrée, ils sont plongés dans des milieux radicalement différents de leur milieu d’origine, et mutés le plus possible d’un poste à l’autre. DeLoach vient du Sud ? Il se retrouve à Northfolk. Il se voyait traquant les saboteurs nazis ? Le voilà enquêtant sur le vol d’une jarre de cornichons sur une base de l’US Navy. Muté à Akron, Ohio, il s’endort en suivant les déplacements totalement inintéressants d’un responsable local du Parti communiste. Puis, en 1947, il est muté au Quartier général, à Washington, et commence par travailler à la section des affaires nucléaires de la division « Domestic Intelligence ». Au
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