FBI

à leur tête, rassembler les informations, entretenir la discorde dans leurs rangs et promouvoir des politiques d’autodestruction. Et ça n’était que le début. Des agents devaient recruter des informateurs, s’en servir comme pourvoyeurs d’informations, les charger de faire circuler de fausses informations avec pour objectif de tromper l’organisation sur ses développements stratégiques ; ils auraient eu pour mission de discréditer les dirigeants en orchestrant des complots afin de faire douter de leur fidélité à la cause et à leurs camarades. La stratégie prévoyait l’emploi de la presse pour nuire aux organisations par des communiqués de presse hostiles, des fuites ou de fausses nouvelles. Déployer toute la force de “Cointelpro” signifiait aussi recourir aux coups tordus ( black bag jobs ), à la surveillance, à la pose de micros dans les bureaux et les demeures, à l’écoute des lignes téléphoniques. »
    Lancé par le FBI en 1956 afin « de contrôler et de neutraliser par tous les moyens » des groupes politiques ou des individus jugés « subversifs », « Cointelpro » est la plus grosse opération d’infiltration et de déstabilisation menée par le FBI. Au début, elle vise le Parti communiste, puis elle s’étend au Ku Klux Klan et aux groupes non-violents qui militent en faveur des droits civils comme la Southern Christian Leadership Conference de Martin Luther King Jr. La directive qui lance « Cointelpro » ordonne à tous les agents du FBI d’« exposer, interrompre, détourner, discréditer et neutraliser par tous les moyens » les activités de ces mouvements et de leurs dirigeants.
    Malgré les réticences de Cartha DeLoach, « Cointelpro » est lancé. « Nous avons placé nos agents au sein de la Nouvelle Gauche, raconte-t-il, nous avons recruté des informateurs et appris énormément sur leurs plans et leurs projets. Nous avons causé des dissensions dans leurs rangs, nous les avons harcelés. » « Cointelpro Nouvelle Gauche » est allé très loin dans la déstabilisation. Trop ?
    La commission sénatoriale Church chargée de faire la lumière sur les dérapages des services secrets américains a enquêté sur « Cointelpro » en 1976. Ses conclusions sont sans appel : « Bien des techniques employées sont intolérables dans une société démocratique, même si toutes les cibles sont impliquées dans des activités violentes, mais “Cointelpro” a été encore au-delà. Le Bureau a mené des opérations […] très sophistiquées afin d’empêcher l’exercice des droits d’expression et d’association prévus par le premier amendement de la Constitution au prétexte de protéger la sûreté nationale et d’éviter la violence en empêchant l’essor de groupes dangereux et la diffusion d’idées dangereuses. »
    « Cointelpro » a usé de nombreuses méthodes, dont :
    1. « L’infiltration d’agents et d’informateurs, non pas afin d’espionner les activistes politiques, mais en vue de les discréditer auprès de leurs militants. Le FBI et la police se sont servis de la peur pour faire passer d’authentiques militants pour des agents… »
    2. « La guerre psychologique : le FBI et la police ont recouru à une infinité de coups tordus pour miner les mouvements progressistes. Ils ont fait circuler de fausses histoires dans les médias et ont diffusé de fausses publications au nom des groupes pris pour cibles. Ils ont fabriqué des correspondances et se sont servis de coups de fil et de lettres anonymes pour répandre de la désinformation à propos de rencontres et d’événements, ils ont créé de faux mouvements dirigés par des agents du gouvernement. Ils ont manipulé ou puissamment armé [des militants]… »
    3. « Harcèlement à travers le système légal : le FBI et la police ont abusé du système légal pour harceler des dissidents afin de les faire apparaître comme criminels ; des représentants de la loi ont fourni de faux témoignages et présenté des preuves fabriquées afin de procéder à des arrestations et à des emprisonnements injustifiés. »
    4. « La force extra-légale et la violence : le FBI et la police ont réalisé des cambriolages, des actes de vandalisme, des attaques et des passages à tabac afin d’effrayer les dissidents et de mettre hors d’état de fonctionner leurs organisations. Dans le cas des radicaux noirs, des activistes portoricains et plus tard des