FBI
suffisait de faire appliquer la loi. Je ne voyais pas la nécessité d’employer un programme aussi compliqué et sophistiqué. Alors j’ai dit : je ne l’applique pas. »
Neil Welch interdit à ses agents de participer à « Cointelpro ». « Tous les quatre ans, les agents devaient aller à Washington. J’étais certain que Sullivan et ses sbires allaient tenter d’influencer et de programmer les plus jeunes de mes hommes afin qu’ils participent à des activités discutables. À leur retour de Washington, je recevais chacun d’entre eux afin de faire le point de la situation. Je voulais être sûr que les agents comprennent que je savais ce qui se passait. Je changeais leur affectation et je faisais en sorte qu’ils n’aient pas l’occasion de se servir des techniques de contre-intelligence. »
Neil Welch n’est pas seul à s’opposer à « Cointelpro ». Un de ses meilleurs amis lui demande « de nouer ses mains autour du cou de “Cointelpro” et de l’étrangler ». Dans ses mémoires, William Sullivan écrit : « Je commençais à recevoir des lettres d’agents qui étaient mal à l’aise à l’idée d’enquêter sur ces jeunes parce qu’ils pensaient que les enquêtes étaient politiques. »
Apprenant que Neil Welch refuse d’appliquer ses directives, William Sullivan tente de le faire changer d’avis : « Je lui ai donné une chance de me convaincre, dit Welch, mais il ne l’a pas fait. Alors je lui ai dit : “Bill, je ne vais pas appliquer le programme ‘Cointelpro’. Il n’y a aucune raison pour que je le fasse. Franchement, je trouve que tout ce projet est stupide. Si tu veux qu’on fasse quelque chose, j’ai besoin d’un ordre écrit de J. Edgar Hoover.” Bill Sullivan a manqué s’étouffer : “Tu sais très bien qu’il ne le fera jamais. Même s’il approuve ‘Cointelpro Nouvelle Gauche’, Hoover est trop prudent pour laisser des traces écrites !” » Neil Welch sourit : « S’ils ne sont pas capables de se mettre d’accord à Washington, ils ne vont sûrement pas le faire sur mon territoire… »
« Je n’avais pas de comptes à rendre à William Sullivan, poursuit Welch. Il ne pouvait pas allumer une cigarette sur mon territoire sans que je le veuille. Il ne pouvait pas demander à l’un de mes hommes d’aller de l’autre côté de la rue lui chercher un sandwich au jambon sans mon accord. Tout ce qu’il disait ou ordonnait devait passer par moi. Au Quartier général, il était peut-être considéré comme un sorcier, un génie du mal des arrière-cours, mais pas chez moi. »
Le plan Huston
Face aux mouvements estudiantins et à la révolte des ghettos, la Maison-Blanche est elle aussi à la manœuvre. À la barre : un des conseillers de Richard Nixon, Charles Tom Huston, un ancien avocat qui vient de quitter les services de renseignement de l’armée. Le 19 juin 1969, Charles Tom Huston demande à William Sullivan « toutes les informations possibles concernant l’influence étrangère et le financement de la Nouvelle Gauche ». Après avoir obtenu l’autorisation de J. Edgar Hoover, William Sullivan commence à rédiger son rapport et s’aperçoit que les renseignements sur l’influence communiste au sein de la Nouvelle Gauche sont « inadéquats ». Pour cause : la Nouvelle Gauche n’est ni financée ni manipulée par l’étranger. Au lieu de se rendre à la réalité, Sullivan et Huston imputent ce déficit d’informations au fait que le directeur du FBI répugne de plus en plus à utiliser des moyens d’espionnage électronique. Les autres services de renseignement américains (CIA, NSA, DIA) ont eux aussi lancé leurs propres opérations de renseignement et d’infiltration du mouvement de contestation. La Maison-Blanche n’est pas satisfaite de la qualité des renseignements fournis, et tout particulièrement de ceux qui proviennent du FBI. Les deux principaux conseillers de Richard Nixon, John Ehrlichman et Robert Haldeman, affichent ouvertement leur mépris pour les informations qui émanent du Bureau. Les autres services de renseignement ne cachent plus leur impatience envers J. Edgar Hoover.
Charles Tom Huston et William Sullivan sont en contact permanent. Entre le jeune conseiller de la Maison-Blanche, qui a tout juste vingt-huit ans, et le très peu orthodoxe directeur de la division « Domestic Intelligence » du FBI, le courant passe. Ils forgent ce qu’un comité du Sénat
Weitere Kostenlose Bücher