FBI
demander d’approuver quelque chose d’illégal ! »
« Les professionnels du renseignement étaient surpris par le refus de Hoover d’ordonner ce qu’il autorisait régulièrement par le passé », constate une commission d’enquête sénatoriale4.
À Washington, les hommes de l’ombre ne s’expliquent pas la position du Directeur. Est-il uniquement soucieux de préserver sa réputation ? A-t-il donné raison à son éminence grise, Clyde Tolson, qui craint que l’image et la réputation du Bureau ne soient ternies si l’emploi de telles techniques vient à se savoir ?
On peut aussi expliquer son attitude par un désir quasi névrotique de mourir à son poste. Il a l’impression d’être sur un siège éjectable depuis que le président Johnson lui a offert pour son soixante-dixième anniversaire un décret l’exemptant de prendre sa retraite comme il était tenu de le faire par la loi. Son contrat est tacitement reconduit d’année en année. Les SAC interprètent différemment l’attitude de Hoover. Chicago arrête les fric-frac, New York fait comme si de rien n’était. Bientôt, sous la pression des événements, le FBI renoue avec ses vieilles habitudes et recourt de plus en plus à des pratiques interdites par la loi.
Cointelpro, « new left »
À Washington, une administration chasse l’autre. Usé par la guerre du Vietnam, le président Johnson décide de ne pas se représenter à l’élection présidentielle de novembre 1968. Bobby Kennedy est bien parti pour lui succéder, quand il est assassiné à Los Angeles en juin 1968. La contestation estudiantine redouble. Le 28 août 1968, de violentes émeutes éclatent à Chicago lors de la convention démocrate qui désigne son candidat, Hubert Humphrey. Richard Nixon remporte l’élection présidentielle de novembre 1968 avec seulement 1 % d’avance sur le démocrate. Nixon prend les rênes d’un pays déchiré par la révolte de sa jeunesse et des Noirs. Au mois de mars et d’avril 1969, les émeutes secouent les universités de San Francisco, Cambridge et Ithaca. À Chicago, les ghettos noirs s’embrasent.
Le mouvement contre la guerre du Vietnam prend de l’ampleur et à l’automne est organisée à Washington une manifestation de masse sans précédent dans l’histoire des États-Unis. La Maison-Blanche est inquiète. Derrière les mouvements estudiantins, elle voit l’ombre de « puissances » hostiles. Le Bureau, lui, n’a rien vu venir. Il n’a pas remarqué que la révolte gronde depuis longtemps au sein de la jeunesse. À la lutte pour les droits civiques sont venus s’ajouter un fort mouvement de protestation contre la guerre du Vietnam, puis une vague de contestation contre les valeurs mêmes de la société américaine. Les étudiants alimentent la révolte. William Sullivan a l’impression de se retrouver plongé trente ans en arrière, quand le Bureau a dû improviser face à l’explosion des kidnappings et des pillages de banques lors des années gangsters. Cette fois, l’ennemi est le mouvement contestataire. En toute hâte, le FBI ouvre un nouveau dossier qu’il baptise « Nouvelle Gauche ».
« Quelques semaines après l’assassinat de Martin Luther King, nous avons été stupéfaits, au quartier général du FBI, de lire dans les journaux que des émeutes avaient eu lieu à l’université de Columbia de New York », note William Sullivan dans ses mémoires. Au « Siège du Gouvernement », la nouvelle provoque le même effet que l’annonce du sommet mafieux d’Appalachin onze ans auparavant. « J’ai envoyé un télégramme au SAC de New York, poursuit Sullivan, pour leur demander qui était derrière tout ça et ce qu’ils en savaient. L’après-midi, j’ai reçu un mémorandum avec des coupures de journaux. J’ai télégraphié à New York : je ne voulais pas de coupures de presse, je voulais savoir ce qu’il y avait dans les dossiers sur le soulèvement estudiantin de Columbia. Ils m’ont répondu : nous n’avons rien. »
Le supérieur hiérarchique de William Sullivan, Cartha DeLoach, explique : « C’est alors que William Sullivan est venu avec un plan d’action qui m’a fait grimper aux murs. Son idée était d’employer contre la Nouvelle Gauche « Cointelpro », le programme de contre-intelligence active dont nous nous étions servis contre le Parti communiste et le Ku Klux Klan. Cela voulait dire infiltrer les organisations, placer nos hommes
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