FBI
par la peur. Et que les hommes qui depuis des années servaient loyalement le Bureau vivaient dans la crainte de leur directeur. J’ai ajouté que je n’avais plus l’intention d’être intimidé. Je lui ai dit tout ce que j’avais toujours voulu lui dire depuis que j’étais un agent. »
Quand Sullivan a fini, la face de bouledogue de son patron, rouge comme une pivoine, semble sur le point d’exploser :
« Il est clair que vous n’avez plus confiance en mon autorité.
– Oui, rien ne saurait être plus clair.
– Vous n’avez plus confiance en ma vision.
– Je pense que vous rendriez un grand service au pays en vous retirant.
– Je n’en ai aucunement l’intention ! » crie Hoover.
Puis, regardant la lettre :
« Le sénateur Green est resté à son poste jusqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Je n’aurais jamais cru que vous me trahiriez. Que vous seriez un Judas.
– Je ne suis pas Judas et vous n’êtes certainement pas Jésus-Christ. »
Après une courte pause, Hoover relève la tête et regarde Sullivan dans les yeux :
« J’ai parlé de votre lettre au Procureur général Mitchell, et il pense que vous devez partir. J’en ai parlé aussi au président Nixon, qui est du même avis. »
William Sullivan quitte la pièce sans mot dire. Le lendemain matin à l’aube, sur ordre de J. Edgar Hoover, Mark Felt fait changer les serrures du bureau de Sullivan et enlève son nom de la porte. Six jours plus tard, Sullivan adresse à Hoover une longue lettre de rupture d’une lucidité rare :
« Comme vous le savez, vous êtes devenu une légende de votre vivant, auréolé d’une mythologie qui vous prête un pouvoir incroyable. Ce n’est bon ni pour vous ni pour le Bureau. Ce n’est pas entièrement votre faute. J’en partage la responsabilité avec d’autres officiels. Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour bâtir votre légende. Nous avons écarté tout ce qui aurait pu vous déranger et nous avons inondé votre bureau de ce que vous vouliez entendre. Soyons réalistes, tout le monde connaît votre ego. Ce genre de choses avaient lieu, m’a-t-on dit, bien avant mon arrivée au Bureau en 1941. Un officiel suivant les traces de l’autre année après année. Cadeaux, lettres d’appréciations lors de vos anniversaires, ou à l’occasion de vos voyages sur la côte Ouest ou en Floride (que vous n’appeliez pas vacances, mais voyages d’inspection ou visites physiques annuelles), ou à toute autre occasion. Vous ne le savez pas, mais souvent je recevais des appels de responsables me signalant qu’un de leurs collègues avait écrit une lettre fleurie à l’occasion de vos auditions au Sénat ; alors, la rumeur aidant, tous les responsables vous écrivaient des lettres semblables. Cela faisait partie d’un jeu, mais c’était un jeu mortel qui n’a rien produit de bon. Et nous avons tous contribué à vous couper du monde réel, altérant vos décisions au fil des ans. Vous n’êtes donc pas le seul à blâmer. Tous les responsables qui comme moi vous ont entouré ces années durant encourent le blâme. »
William Sullivan ajoute : « Aucun bureau du gouvernement ne devrait dépenser de vastes sommes d’argent pour les relations publiques et la propagande comme nous l’avons fait et comme nous le faisons encore. Il nous suffit de faire notre travail. Cela parle tout seul. La propagande et les relations publiques ne sont indispensables que quand le travail est médiocre. Chacun de nos cinquante bureaux a son propre programme relié à celui du Quartier général. Prenez, par exemple, le desk chargé du courrier. Pourquoi dépenser l’argent des contribuables à répondre à des lettres qui demandent comment vous aimez la cuisson de votre steak ou quelle est votre recette favorite de beignets, comme nous le faisons depuis des années ? »
Avant de quitter définitivement le Bureau, William Sullivan s’explique sur sa rupture avec J. Edgar Hoover à la Maison-Blanche lors d’une réunion au sommet avec le président Richard Nixon, le Procureur général John Mitchell et trois conseillers, Robert Mardian, John Ehrlichman et Bob Haldeman. « Ils étaient gênés par l’incident, écrit William Sullivan, et ils décidèrent de se débarrasser de Hoover une fois pour toutes. » La Maison-Blanche commande un rapport sur l’état du FBI à un ancien G-man, Gordon Liddy. Il le remet le 22 octobre 1971. C’est un
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