FBI
rappelle Kissinger pour lui indiquer que la source de la fuite se trouve sans doute à la Maison-Blanche, au sein du Conseil national de sécurité. Il mentionne même le nom d’un des conseillers de Kissinger, Morton Halprin. Hoover ne dit pas à Kissinger que, se méfiant de Morton Halprin, libéral issu de Harvard, incarnation de tout ce qu’il déteste, il l’a déjà mis sur écoute…
Le lendemain, 20 mai, un des adjoints de Kissinger, le colonel Alexander Haig, débarque dans le bureau de William Sullivan. Affirmant agir au nom de la « plus haute autorité », il demande que quatre personnes soient mises sur écoute : trois membres du Conseil national de sécurité et un conseiller du Département de la Défense. Informé par William Sullivan du nombre d’écoutes, J. Edgar Hoover accepte à condition d’avoir l’accord écrit du Procureur général. Haig prend connaissance des transcriptions des écoutes dans le bureau de Sullivan. La prudence s’imposant, les comptes rendus sont entreposés dans le coffre-fort personnel de Hoover.
Peu après, Kissinger accompagne Haig dans le bureau de Sullivan. Après avoir lu les transcriptions, Kissinger lâche : « Je ne peux faire confiance à personne sauf à Haig », et ajoute deux autres noms de personnes à surveiller. Au total, dix-sept personnes seront mises sur écoute. L’auteur de la fuite ne sera jamais découvert ; en revanche, la Maison-Blanche n’ignorera plus rien de la vie privée des personnes écoutées.
L’affaire aurait dû être supervisée par Cartha DeLoach. Mais William Sullivan a convaincu le directeur du FBI de court-circuiter son numéro trois. Après vingt-neuf ans de bons et loyaux services, en 1970, Cartha DeLoach décide de faire jouer ses droits à la retraite. L’atmosphère de fin de règne et de complots qui règne alors au quartier général du FBI n’est pas pour rien dans sa décision. Il pensait avoir gagné la guerre de succession quand le président Johnson lui avait promis le trône du roi Edgar. Mais l’arrivée de Nixon à la Présidence a mis William Sullivan en selle. Et puis, DeLoach en a assez de tirer le diable par la queue. Sept enfants à élever, dont trois à l’université (les études universitaires aux États-Unis sont très chères), une femme au foyer et seulement 38 000 dollars par an pour subvenir aux besoins de la tribu… Son ami le P-DG de Pepsico lui offre un poste de vice-président dans son groupe pour une période renouvelable de six ans, avec à la clef un salaire à faire rêver. L’offre est alléchante. Deke prend sa plus belle plume. Des dizaines de feuilles de brouillon froissées et jetées à la corbeille plus tard, il a enfin pondu une lettre de démission acceptable. Il la met dans sa poche, attendant le bon moment pour la remettre au Directeur… La lettre y restera très longtemps avant qu’il ose la donner.
Au départ de DeLoach et à la surprise générale, Hoover nomme Sullivan au poste de numéro trois du Bureau. Rien ni personne ne semble résister à William Sullivan. « Pour des raisons pratiques, j’étais devenu le numéro deux du Bureau, explique Sullivan. En 1970, Clyde Tolson était très malade après avoir été frappé par plusieurs attaques qui l’avaient laissé très affaibli. Chaque matin, la voiture de Hoover se gare à l’intérieur de la cour du Département de la Justice. Deux vieillards malades en sortent. Hoover est le premier à quitter la voiture ; il rentre dans le bâtiment aussi vite qu’il peut. Derrière lui, Clyde Tolson, pathétique, titube. Hoover a soixante-quinze ans. Chaque jour, il fait des siestes de quatre heures ; il est entouré en permanence d’un personnel médical qui le gave des médicaments nécessaires pour le maintenir en état de marche… »
J. Edgar Hoover se décharge petit à petit de ses responsabilités sur William Sullivan. À commencer par les écoutes ordonnées par la Maison-Blanche, dont les retranscriptions sont désormais entreposées dans le coffre-fort de Sullivan. Une décision qu’il va regretter jusqu’à la fin de ses jours.
Un cambriolage très… médiatique
Depuis quelque temps, les mouvements contestataires prennent régulièrement les bureaux du FBI pour cible. À Babylon, Long Island, un soir, des cambrioleurs ont tenté de forcer la serrure de la porte d’entrée de la résidence. J. Edgar Hoover a chargé Mark Felt de lui faire un état de la situation des
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