FBI
confirmer ses soupçons. J’ai décidé de me faire ma propre idée. »
Cartha DeLoach rassemble toutes les informations sur le transfuge, lit son dossier. Puis il va déjeuner à New York avec celui qui connaît le mieux « Fedora » : son ancien agent traitant, qui vient de quitter le Bureau pour s’occuper de la sécurité de la National Football League (NFL), Jack Danahy. Les deux hommes ont rendez-vous dans un petit restaurant tranquille et isolé. DeLoach trouve que Danahy n’a pas trop changé : toujours la même verve, la même prolixité irlandaise. Les deux hommes n’apprécient guère William Sullivan.
« Sullivan était un type très sérieux, explique Jack Danahy, mais je ne pense pas qu’il avait sa place au Bureau. C’était une autorité pour ce qui avait trait au Parti communiste, et le nègre qui écrivait les livres de Hoover. C’était lui, le cerveau de la division du FBI travaillant sur le Parti communiste. Mais il n’avait pas le sens pratique et n’aurait jamais dû être nommé directeur adjoint en charge des enquêtes. Au début, Hoover pensait le plus grand bien de lui. Mais c’était la mauvaise personne à la mauvaise place. Je ne suis pas sûr que Sullivan admirait ma technique. J’étais très différent de lui. C’était un homme de bureau alors que moi, j’aimais la rue, l’action… »
DeLoach fait part à Danahy des doutes de Sullivan sur « Fedora » :
« Jack, dis-moi franchement : est-ce que tu penses que “Fedora” est un agent triple ?
– Non.
– Personne ne connaît mieux “Fedora” que toi. Pourquoi penses-tu que ce n’est pas un agent triple ?
– Les informateurs ont en général quatre raisons d’agir : la revanche, la récompense, le remords et la peur. Les raisons de “Fedora” ont été de deux ordres : la revanche et la récompense. Je connais l’homme, j’ai parlé longuement avec lui. Il détestait le régime. Le Parti avait arrêté son frère et l’avait jeté en prison pour “crime contre l’État”. Son frère, qui est mort en taule, croyait toujours au système communiste, adorait la Russie, mais détestait les gens au pouvoir. Je le connais trop bien : il n’aurait pas pu me tromper. »
« Fedora » a une autre raison de trahir : l’argent. Débarqué aux États-Unis avec une partie des fonds de sa mission, il a loué les services d’une prostituée qui l’a délesté des subsides du KGB. Il sait que le service ne lui pardonnera pas son erreur : au mieux, il perdra son travail ; au pis, c’est la mort.
« Au début, dit Danahy, tout ce qu’il voulait, c’était qu’on lui rembourse l’argent qui lui avait été volé. Puis, petit à petit, il est devenu plus gourmand. Il s’est mis à rêver à sa retraite dans une datcha à Odessa… »
Trop incroyable pour ne pas être vrai ! Danahy est convaincu que le KGB n’aurait jamais pu inventer une pareille histoire. Il y a aussi le fait que « Fedora » n’a jamais voulu rencontrer d’Américain sur le sol russe. S’il avait été triple, quelle meilleure occasion, pour le KGB, de démasquer des agents ennemis sur son territoire ?
« Mais ce qui a emporté ma conviction, c’est autre chose. “Fedora” n’a jamais demandé d’informations classifiées. Il a toujours exigé d’avoir des informations du domaine public, contrairement à ce qu’un agent triple aurait fait. »
« C’est à ce moment-là, explique à présent DeLoach, que j’ai été persuadé que Sullivan avait tort et Danahy raison. “Fedora” n’était pas un agent triple. »
Cartha DeLoach profite de la chute de l’histoire pour ridiculiser son vieil ennemi : n’étant toujours pas convaincu, William Sullivan a demandé à DeLoach de l’autoriser à interroger une dernière fois « Fedora ». L’agent traitant du Soviétique arrange alors un rendez-vous dans un appartement new-yorkais. Au bout de quelques minutes d’entretien, Sullivan coupe court : il a les preuves de ce qu’il avance. Stupeur de l’agent traitant : Sullivan affirme que « Fedora » a un micro. L’agent traitant ne comprend pas, il a fouillé le Russe avant la rencontre. Le renflement à l’entrejambe de son pantalon, Sullivan est persuadé que c’est un micro. « Mais non, Bill, il a juste de grosses couilles ! » DeLoach en rigole encore…
Cartha DeLoach défendra mordicus « Fedora » jusqu’à son dernier souffle. « Durant tout le temps où il a
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