FBI

Nossenko…
    Chargée du contre-espionnage, la division n˚ 5 du FBI a toujours été la plus mystérieuse du Bureau. Dès la fin des années 1930, la traque des espions nazis a permis d’asseoir la crédibilité du Bureau auprès du président Roosevelt. L’arrestation de saboteurs nazis sur le sol américain a donné lieu à une opération de communication « à la J. Edgar Hoover ». Puis la traque des réseaux nazis en Amérique latine a conféré au Bureau une dimension internationale, qu’il perd en 1947 au profit de la CIA. Dès lors, la division n˚ 5 se lance pendant près de dix ans, sur le territoire américain, dans la chasse aux espions communistes, avant d’empiéter à nouveau sur les plates-bandes de l’Agence, dans les années 1960, avec les opérations « Solo » et « Fedora ». Le Bureau semble alors plus intéressé par la manipulation de taupes et de transfuges que par l’arrestation d’espions. Les choses vont encore changer au début des années 1980 : sous la direction du juge Webster, le Bureau multiplie les arrestations d’agents travaillant pour les Soviétiques. Une sorte de record est battu en 1985, l’« année des espions », avec l’arrestation de 26 Américains accusés d’espionnage.
    Où le Bureau refuse de croire en l’existence d’une famille d’espions
     
    Tout commence en novembre 1984 quand Barbara Walker téléphone au bureau de Boston pour dénoncer son ex-mari, John Walker, ancien de l’US Navy. Pour des raisons géographiques, l’affaire échoit à l’antenne du bureau de la petite ville d’Hyannis, sur la presqu’île de Cap Code, au sud de Boston. Le bureau d’Hyannis est une hérésie en termes d’efficacité : il doit son existence au fait que J. Edgar Hoover voulait surveiller discrètement la propriété que la famille Kennedy possède à cet endroit. Depuis, ayant perdu sa destination première, le bureau local s’est étiolé, et les agents qui s’y trouvent n’ont peut-être pas les capacités requises pour la gestion d’une grosse affaire d’espionnage.
    Barbara Walker explique à l’agent du FBI venu l’interroger qu’elle soupçonne son ex-mari, John, d’être un agent soviétique. Sur quoi se fonde-t-elle pour proférer de telles accusations ? Sur des balades en voiture dans les bois de Virginie. Lors d’une de ses expéditions, John Walker a disparu avec des sacs-poubelle remplis de rouleaux de pellicule, et est revenu avec 35 000 dollars en cash. Barbara Walker ajoute que son ex-mari a tenté d’acheter des secrets militaires à leur fille Laura, qui travaille pour les services de communication de l’armée. L’agent du FBI prend poliment des notes, mais tout cela lui semble bien compliqué. Il ne croit pas un instant à cette histoire de père essayant d’extorquer des secrets à sa fille. Il préfère croire que Barbara Walker accuse son ex-mari afin de se venger d’un divorce pénible. En conséquence, il classe son rapport 65-0 : 65 signifie qu’il s’agit d’une affaire d’espionnage, et 0 qu’il ne convient pas d’y donner suite. Le rapport est envoyé à Boston, où un agent le classe dans la bannette réservée aux affaires à ne pas suivre.
    Face au silence du FBI, la fille, Laura Walker, appelle le bureau de Boston, le 14 janvier 1985, pour demander des nouvelles. Elle est éconduite poliment par un agent embarrassé. Comme l’impose la routine du Bureau, au bout de trois mois, un agent passe en revue les dossiers de la bannette zéro et tombe sur le compte rendu d’interrogatoire de Barbara Walker. Cette fois, l’agent se pose des questions et rédige un rapport à l’attention de Washington. Une fois de plus, le rapport est classé sans suite. C’est ainsi que, pour la troisième fois, le FBI passe à côté de la plus grosse affaire d’espionnage de la décennie. Il va avoir une dernière chance de se rattraper.
    Le rapport a été envoyé pour copie à différents bureaux, dont celui de Northfolk, où il tombe entre les mains de l’Agent spécial Joseph Wolfinger qui prend immédiatement conscience de son importance. Wolfinger a déjà travaillé pour le contre-espionnage du Bureau. Il croit Barbara Walker. Le récit des expéditions de cette ménagère américaine dans les bois du nord de la Virginie en compagnie de son espion de mari sonne juste à ses oreilles. Sans le savoir, Barbara Walker a décrit dans le détail les procédures de livraison chères aux agents du KGB.