FBI
Fermant les yeux pour ne pas lire sur leurs traits leur réaction, il annonce à ses interlocuteurs :
« Je vois le poseur de bombes… Il est toujours impeccable, il a un sens maniaque de la propreté. Il ne portera jamais de vêtements à la mode. »
Dans ses mémoires, le docteur Brussel expliquera : « Je le voyais nettement, beaucoup plus distinctement que les éléments factuels ne me le permettaient. Je savais que mon imagination l’emportait chez moi. Mais je n’y pouvais rien. »
Fermant plus fort les yeux, Brussel déclare :
« Une dernière chose : quand vous l’arrêterez – et je suis certain que vous l’arrêterez –, il portera un costume croisé.
– Jésus ! murmure un des policiers.
– Et il sera boutonné ! »
Quand Brussel rouvre les yeux, les policiers se regardent d’un air interrogateur.
« Un costume croisé ?
– Oui.
– Boutonné ?
– En effet. »
Les policiers sortent sans mot dire. Un mois plus tard, la police de New York arrête le poseur de bombes. Il s’appelle George Metesky. Il est originaire d’Europe de l’Est et vit à Waterbury, dans le Connecticut, avec ses deux sœurs aînées. C’est un vieux garçon, toujours propre et impeccablement vêtu, qui va à la messe tous les dimanches. C’est un ancien employé de la Con Ed qui affirme avoir été renvoyé après un accident du travail. Quand il ouvre sa porte aux policiers, il leur dit :
« Je sais qui vous êtes. Vous pensez que je suis le poseur de bombes fou… »
Il est alors minuit, il est en pyjama, les policiers lui demandent de s’habiller pour les suivre au commissariat. Quand il réapparaît, il est soigneusement peigné, ses chaussures sont étincelantes et il porte un costume croisé… boutonné !
Howard Teten, un agent très spécial
L’histoire fait le tour des polices américaines et ne tombe pas dans les oreilles d’un sourd, puisque, après l’avoir entendue, des années plus tard, l’Agent spécial Howard Teten se précipite chez le docteur Brussel.
Howard Teten n’est pas un Agent spécial comme les autres. C’est un bricoleur de génie, doublé d’un pédagogue hors pair. Il aime les problèmes, non pas tant pour les résoudre que pour le cheminement intellectuel qui conduit à la solution. Dans le courant des années 1970, il s’est attelé à un sacré problème en étudiant de manière scientifique le crime et les criminels. Ses recherches l’amènent à rencontrer le docteur Brussel. « Je suis allé le voir aux environs de 1974, raconte-t-il. Brussel était un psychiatre clinicien de renom. Après le poseur de bombes fou, il a étudié l’étrangleur de Boston, puis l’affaire Sam Sheperd, à Cleveland. Il a ensuite écrit un livre intitulé Sketch Book of a Crime Psychiatrist . Il était pittoresque, mais c’était un personnage merveilleux. Et on a bavardé. Je lui ai dit que, si je pouvais bénéficier d’un peu de son temps, le FBI serait ravi de le payer. Il m’a répondu : “Je prends trop cher, vous n’avez pas les moyens de vous offrir mes services. Mais je suis un patriote et je travaillerai pour vous gratuitement.” Son approche était différente de la mienne. Il examinait la scène du crime afin d’y débusquer les grands traits psychologiques du tueur. Après quoi il affinait sa recherche et travaillait à partir de critères d’appartenance nationale et ethnique, mais je ne voyais pas comment ça pouvait marcher, les États-Unis étant un melting-pot de races et de nationalités. Il m’a laissé entrevoir une autre perspective. J’ai pris conscience que je n’étais pas le seul à essayer de me servir de nouvelles techniques d’investigation pour résoudre des affaires. J’ai été très impressionné par cet homme qui avait commencé à explorer ces nouvelles pistes dans les années 1950. Il m’a beaucoup appris. Il m’a montré comment cerner objectivement une scène de crime. Il m’a enseigné sa technique, fondée sur la psychanalyse. Je crois en la psychanalyse. J’ai appris que je devais moi-même passer par un processus d’autoanalyse avant de trouver une manière objective de mener mes enquêtes. Cela m’a été très précieux, car j’ai été ainsi conduit à aborder les scènes de crime sans avoir un point de vue biaisé. Tous les corps de métiers ont tendance à ne voir que ce qui les intéresse : c’est l’histoire du cordonnier qui, regardant la rue, n’y voit que des paires de
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