FBI
de génie qui va conférer à sa démarche une nouvelle dimension. Il demande à ses élèves policiers de lui apporter de vieux dossiers restés sans solution, les old dogs , les « vieux chiens », comme on disait alors – trente ans plus tard, on parle plutôt de cold cases , d’« affaires froides ». « On a résolu le premier dossier en trente-six heures, raconte Teten, comme ça, pendant le cours, rien qu’en discutant entre nous et en récapitulant tous les indices, selon ma méthode. Après quoi tous les élèves ont commencé à apporter leurs old dogs . Je dirigeais les enquêtes ; à la fin des cours, ils appelaient leurs collègues, souvent à l’autre bout des États-Unis, pour leur donner de nouvelles instructions, explorer de nouvelles pistes, interroger à nouveau des suspects. Et ça marchait. Je me souviens d’une affaire où les adjoints du shérif étaient passés à côté d’un tueur qu’ils avaient pourtant longuement cuisiné sans avoir conscience qu’ils détenaient tous les éléments de compréhension. Après avoir étudié le dossier, je leur ai suggéré de réinterroger l’homme en suivant le schéma d’interrogatoire que je leur ai communiqué. Le lendemain, l’homme passait aux aveux.
« Je me suis néanmoins très vite rendu compte que je n’y arriverais pas tout seul. J’ai demandé de l’aide : j’avais besoin d’un bon psychologue. Il y en avait un au bureau de New York, Pat Mullaney. »
Une nouvelle approche
L’arrivée de Mullaney donne une nouvelle impulsion aux travaux de Howard Teten. Bientôt, les deux hommes sont submergés par les « vieux chiens ». Plus tard, Teten dira en avoir étudié plus de deux mille ! Le duo ne s’impose qu’une règle : ne travailler que sur des dossiers dont toutes les pistes ont été explorées. J. Edgar Hoover est mort depuis peu, le Bureau est toujours une machine un peu vieillotte, rétive aux idées nouvelles. Un vent de fraîcheur n’a pas encore dépoussiéré les esprits de certains dirigeants. Teten et Mullaney décident d’œuvrer dans la plus grande discrétion : « On faisait ça en plus de notre travail, précise Teten. On ne savait pas comment les types d’en haut prendraient ça. On a travaillé à partir d’une idée simple : s’ils ne savent rien, ils ne diront sans doute rien. »
Howard Teten et Pat Mullaney jettent les bases d’une nouvelle approche des scènes de crime : « Vous devez devenir vous-même la scène du crime, explique Teten. À la manière d’un observateur totalement objectif. Je sais que je vais choquer, mais quand vous considérez un cadavre, pendant le profilage, vous regardez une pièce de viande qui recèle des indices. Vous cessez de penser aux cadavres comme à des personnes. Ce sont juste des morceaux de viande. C’est comme ça que vous pouvez trouver des preuves. »
Voilà qui est efficace du point de vue de l’enquête, mais, humainement parlant, le prix à payer est élevé : « À l’Académie, se souvient Howard Teten, j’étais connu comme le gars qui passait son temps à observer les gens et avec qui on ne pouvait devenir ami. On disait : Ce type-là, il est tout le temps en train de mater. J’ai beaucoup souffert d’être profileur. Nombre de personnes qui ont essayé de devenir profileurs ont très vite renoncé en raison de ces effets corrosifs. On ne dissimule pas impunément ses émotions en regardant les scènes de crime et en examinant sans la moindre émotion des choses horribles, bizarres, inimaginables. On parle sans émotion, mais il y a toujours de l’émotion. On la chasse de son esprit, on la dissimule. Mais, plus tard, ça commence à vous travailler. Vous commencez à perdre confiance en l’animal humain quand vous savez de quoi il est capable… »
Des psychiatres et des criminologues renforcent l’équipe de Teten : parmi eux, Richard Walter, psychologue spécialisé en criminologie. Walter a fait ses premières armes dans le système pénitentiaire du Michigan en interrogeant plus de 2 000 assassins, violeurs ou tueurs en série. Après avoir extrait quatre types de comportements de ses observations, il a mis au point un nouvel instrument d’enquête fondé sur les réactions des tueurs avant, pendant et après le crime.
Robert K. Ressler forge la définition du tueur en série en 1993. Elle est toujours en vigueur au FBI : « Est considéré comme tueur en série l’individu qui assassine quatre
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