FBI
les week-ends, sans en parler à personne. Il lui arrivait de débarquer dans une prison et de demander à parler à des tueurs sans préavis ni rendez-vous. Les meurtriers acceptaient sans réfléchir ni solliciter l’avis de leur avocat.
Robert Ressler a personnellement interrogé plus d’une centaine de tueurs en série, sans doute plus qu’aucun autre agent du FBI. Un travail qui est loin d’être de tout repos et qui nécessite une résistance physique et psychologique hors du commun.
De nombreux agents de la BSU ont renoncé à cet exercice au bout de seulement quelques entretiens. Les rescapés développaient tous des ulcères ou de violents accès de panique. Robert Ressler a perdu près de vingt kilos en six mois, sans raison apparente. D’autres, manipulés par les tueurs en série, leur communiquaient des informations confidentielles.
Pourquoi les tueurs en série acceptaient-ils de parler aux agents de la BSU ? Certains l’ont fait par ennui : du fond de leur prison, ils n’avaient sans doute rien de mieux à faire. D’autres, par narcissisme : ceux-là adoraient parler d’eux-mêmes et cherchaient à être reconnus. Tous entendaient partager leurs fantasmes.
Edmund Kemper est l’un des premiers tueurs en série à avoir été interrogés par Robert Ressler. Ce géant au physique imposant pouvait être d’une amabilité désarmante. Difficile d’imaginer que cet homme doté d’un QI supérieur à la moyenne ait assassiné ses grands-parents dès l’âge de quatorze ans. À sa sortie de prison, il récidive et tue froidement huit personnes, dont sa mère. Ressler rencontre Kemper pour la première fois à la prison de Vacaville, en Californie, où il purge sept peines de prison à vie. Cette rencontre a lieu en présence d’un de ses collègues de la BSU. Pour le deuxième entretien, Ressler demande à John Douglas de l’accompagner. Nous sommes dans les années 1970, Douglas fait alors ses premiers pas de profileur. Les entretiens sont très riches : Kemper parle de son passé, de ses motivations, de ses fantasmes. Le tueur explique posément pourquoi il a coupé la tête et les membres de certaines de ses victimes. Ressler est tellement satisfait des deux premiers entretiens qu’il décide de se rendre seul au troisième.
Edmund Kemper n’est pas isolé des autres détenus. Mais, au lieu d’un banal parloir, les autorités pénitentiaires mettent à disposition de l’agent du FBI une petite pièce attenante au « couloir de la mort » qui sert en général aux dernières bénédictions des détenus avant leur exécution. L’endroit est exigu, sans fenêtre. Au bout de quatre heures d’entretien à évoquer les choses les plus abominables, Robert Ressler décide d’arrêter et appuie sur la sonnette. Dans l’attente qu’un garde vienne ouvrir la porte, l’agent de la BSU poursuit la conversation, à la plus grande joie de Kemper. Quelques minutes après, Ressler appuie une deuxième fois sur la sonnette. Personne ne vient. Il reprend la conversation avant d’appuyer une troisième fois, un quart d’heure plus tard, sans plus de résultat.
Ressler fait mine de ne pas être inquiet. Mais le tueur a senti quelque chose, il sourit et dit : « Du calme, ne vous énervez pas : c’est l’heure de la relève de la garde. En même temps, les gardiens nourrissent les détenus. Personne ne viendra avant quinze à vingt minutes… »
L’Agent spécial fait son possible pour garder son flegme. Il essaie d’afficher une attitude nonchalante. Mais Kemper a compris : « Si jamais je pète les plombs, déclare le tueur, vous risquez d’avoir des problèmes. Je pourrais arracher votre tête et la placer sur la table en attendant l’arrivée des gardiens ! »
Ressler sait que l’homme a raison. Il sait aussi qu’il est tout à fait capable de faire ce qu’il a dit. Il esquisse une parade :
« Si vous faites cela, c’est vous qui aurez de sérieux problèmes.
– Lesquels ? Je n’aurai plus le droit de regarder la télé ?
– Ils vous placeront à l’isolement total. »
L’argument ne porte pas. Kemper sait que, tôt ou tard, il sortirait de l’isolement. Alors il rejoindrait les autres détenus, auréolé de la gloire d’avoir tué un agent du FBI.
Le cœur de Ressler bat la chamade. Il réfléchit à cent à l’heure. Que dire pour que Kemper ne le tue pas ?
Il réalise alors qu’il s’est fourré lui-même dans un foutu pétrin. En faisant
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