FBI
parler à quelqu’un qui le comprend. Ressler n’est pas dupe, il sait que le tueur en série essaie de le contrôler pour mieux le manipuler. Dans sa lettre, Bundy a demandé à avoir accès aux dossiers des autres tueurs en série étudiés par la BSU. « Aussi incroyable que cela paraisse, écrit Ressler, un de mes supérieurs au FBI voulait lui communiquer les fruits de notre recherche ! »
« Les seuls crimes dont on veut parler, dit Ressler à Bundy, ce sont les vôtres ! »
Bundy accepte de parler de certains de ses assassinats, mais « sur le mode hypothétique ». Il les raconte à la troisième personne (« cela aurait pu se passer comme ça »). Au bout de trois heures de ce petit jeu, Ressler jette l’éponge : il a compris qu’il ne tirerait rien du tueur en série.
Quelques années plus tard, en 1985, au cours d’une réunion, les agents de la BSU parlent de Ted Bundy, leur seul échec à ce jour. Bill Hagmaier, qui vient juste de rejoindre la BSU, prend la parole et se porte volontaire pour aller interviewer le tueur. Tollé dans l’assistance. Les autres agents lui font remarquer que d’autres, plus malins que lui, s’y sont déjà cassé les dents. Ce n’est pas un blanc-bec comme lui qui va y arriver. Ce n’est pas l’avis de Roger Depue, directeur de la BSU, qui pense que si quelqu’un a des chances d’y parvenir, c’est précisément Bill Hagmaier. « Il est frais, innocent, sincère, plaide Roger Depue. Il est nouveau dans ce jeu. Il me semble qu’il a davantage de chances que des agents plus expérimentés. » Au pire, Bundy essaiera de le manipuler. Depue est convaincu qu’aucun mal ne peut découler de ce jeu du chat et de la souris, qui ne manquera pas de tenter Bundy.
Bill Hagmaier écrit donc à Ted Bundy et demande à le rencontrer. Le 16 janvier 1986, le tueur accepte.
Bill Hagmaier réussit là où Robert Ressler a échoué. Pendant trois ans, il rencontre régulièrement le tueur en série et entretient avec lui une volumineuse correspondance. L’agent de la BSU n’est pas dupe : il sait que Bundy essaie de le manipuler en affirmant notamment qu’il peut l’aider à arrêter certains des tueurs en série qui opèrent aux États-Unis, plus particulièrement celui de la Green River. Mais Hagmaier est plus malin que lui, il réussit à lui arracher des précisions inédites sur ses propres assassinats. À la fin, alors qu’approche la date de son exécution, Bundy propose un marché : la police ne lui a imputé que trente-six assassinats, il est prêt à faire des révélations sur des dizaines d’autres s’il n’est pas mis à mort.
Certains agents de la BSU reprocheront à Bill Hagmaier d’avoir été trop proche de Ted Bundy et d’avoir manqué d’objectivité à son endroit. Le 20 janvier 1989, il se rend à la prison de Strake pour une ultime série de conversations avec Bundy. Pour la première fois en trois ans, le tueur en série reconnaît avoir tué une trentaine de jeunes filles. Dans une confession-fleuve, à couper le souffle, il entre enfin dans le détail de ses assassinats. Quatre jours plus tard, il est exécuté.
La BSU connaît son plein essor le 21 juin 1984, quand le président Reagan annonce la création du National Center for the Analysis of Violent Crime (NCAVC), dont l’objectif est de coordonner les enquêtes criminelles et de fournir aide et assistance aux différentes polices locales des États américains ainsi qu’aux forces de l’ordre étrangères qui en feraient la demande. Divisé en trois grandes sections, le NCAVC est géré par des agents de la BSU1. « À l’époque, explique Bill Hagmaier, le Procureur général, Edwin Meese, était sans doute le meilleur ami que le FBI ait jamais eu. »
Le 21 juin 1989, six mois après son élection à la présidence des États-Unis, George Bush lance un vaste plan de lutte contre la criminalité violente et les grands criminels. Les priorités nationales du FBI sont redéfinies : le Bureau a désormais pour mission prioritaire de lutter contre la « délinquance violente » et les individus dangereux. Cette réorganisation est décidée en raison de l’explosion de la criminalité. Les chiffres font frémir : chaque année, aux États-Unis, on compte près de dix meurtres pour 100 000 habitants, soit environ quatre fois plus qu’en France ou au Canada. Le plus souvent, ces meurtres restent inexpliqués et donc impunis. Tel a été le cas pour
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