FBI
qui a piloté l’avion du vol 175 de l’United Airlines et l’a fait se fracasser contre la deuxième tour du World Trade Center. Il l’a rencontré chez un responsable d’Al Qaida à Kandahar. Il se souvient qu’il était malade et que leur hôte, un émir ami d’Oussama Ben Laden, l’a soigné.
Détenu par la police yéménite, l’émir en question est interrogé peu après par Ali Soufan. C’est un homme costaud au visage poupin que dissimule une barbe épaisse ; il s’appelle Abu Jandal. Un homme qui connaît Oussama Ben Laden mieux que personne, puisqu’il a été son garde du corps pendant de longues années. Le chef d’Al Qaida lui faisait confiance au point de le charger de lui tirer une balle dans la tête plutôt que de le laisser tomber aux mains de l’ennemi. Il est au fait de tous les secrets de l’organisation. Mais ce n’est pas un client facile. Les gardes yéménites ont si peur de lui qu’ils ne se montrent que masqués en sa présence. Avant tout interrogatoire, ils supplient Ali Soufan de ne jamais mentionner leurs noms et prénoms. En voyant Soufan et un autre agent, il demande en arabe ce que ces « infidèles » font là. Puis il s’assoit, bras croisés sur la poitrine, en leur tournant ostensiblement le dos. L’Agent spécial calme le djihadiste et obtient qu’il se tourne vers lui. Sans regarder son interlocuteur, Abu Jandal se lance dans une violente diatribe antiaméricaine.
Commence alors ce qu’Ali Soufan appelle « une partie d’échecs et de poker simultanés ». L’Agent spécial réalise que son interlocuteur a été entraîné aux techniques du contre-interrogatoire : celui-ci sait qu’il ne doit jamais reconnaître plus que ce que sait déjà son adversaire. Il admet avoir combattu sur les principaux fronts de la guerre sainte : Bosnie, Afghanistan, Somalie. Soir après soir, Soufan parle avec lui. Parfois, les deux hommes discutent théologie. L’Agent spécial accumule de menues informations. Abu Jandal est diabétique, il lui fait porter des gâteaux sans sucre.
La cinquième nuit, l’Agent spécial jette sur la table un magazine contenant des photos des attentats contre le World Trade Center.
« Ben Laden a fait ça, dit-il.
– Pour moi, ça ressemble à une production hollywoodienne, répond Abu Jandal. C’est un coup des Israéliens. »
Mais le djihadiste semble ébranlé.
L’Agent spécial lui montre un journal local. La une est consacrée aux victimes yéménites des attaques du 11 Septembre et titre : « Deux cents âmes yéménites périssent à New York. »
« Dieu ait pitié de nous ! » murmure Abu Jandal.
Ali Soufan sort un album contenant des photos des membres d’Al Qaida et des pirates de l’air du 11 Septembre, et le lui tend.
« Regardez ces photos. Parmi elles, il y a des gens que j’ai arrêtés. »
Abu Jandal feuillette l’album. Arrivé à la photo de Marwan al-Shehhi, le pilote qui a fait se fracasser le vol 175 d’United Airlines contre la deuxième tour, il marque un temps d’hésitation.
« Celui-là, tu le connais bien, dit Ali Soufan. Ramadan 1999, Kandahar. Il était malade, tu es son émir, tu l’as soigné. »
Abu Jandal encaisse le coup.
« Quand je pose une question, je connais la réponse. Si tu es intelligent, tu me dis la vérité. »
Abu Jandal commence alors à identifier ceux des militants d’Al Qaida qu’il connaît. Parmi eux, il y a les membres des commandos responsables des attaques du 11 Septembre. Abu Jandal insiste :
« Ben Laden n’a rien à voir avec le 11 Septembre.
– Et moi je suis convaincu du contraire !
– Qui vous l’a dit ?
– Vous ! »
« Il était complètement sous le choc, raconte aujourd’hui Ali Soufan. À ce moment-là, j’ai vraiment cru qu’il pensait que nous allions lui faire dire ce qu’il n’avait pas dit, qu’on allait lui fourrer des mots dans la bouche… »
Ali Soufan prend une dizaine de photos qu’il étale devant Abu Jandal :
« Ce sont les pirates de l’air ; ce sont les gens qui ont fait le 11 Septembre. Vous venez de les identifier. Alors, maintenant, qui, selon vous, a organisé les attentats : les Israéliens ? »
Abu Jandal blêmit. Il lâche, parlant de Ben Laden :
« Le Cheik est devenu fou. »
1- La Joint Terrorism Task Force de New York (JTTF) rassemble le FBI, la CIA, les services d’enquêtes criminelles de la Marine (NCIS), la police de New York (NYPD) et, depuis 2001, la
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