FBI

Nicaraguayennes. « Somoza est un fils de pute, aurait dit le président Roosevelt, mais c’est notre fils de pute. » La mainmise sur tous les biens de la petite communauté allemande du Nicaragua fait de Somoza le premier propriétaire terrien du pays. Wallace Estill n’a pas trop de travail : côté nazis, c’est plutôt tranquille, Somoza et son gouvernement sont entièrement entre les mains des États-Unis.
    Les codes et les télex les plus sensibles sont régulièrement enfermés dans les deux coffres de l’ambassade. Or, un beau jour, le troisième secrétaire de l’ambassade vient trouver l’agent du FBI et formule une requête peu banale :
    « L’ambassadeur voudrait changer les combinaisons de nos coffres : pourriez-vous le faire ?
    – Je peux le faire, dit Estill qui depuis son passage à Quantico s’y entend un peu en matière de coffres. Mais je ne le ferai pas.
    – Pourquoi ?
    – Tout simplement parce que je n’ai pas à connaître les combinaisons des coffres. Or, je ne peux pas les changer sans les connaître ! »
    Bonne pâte, l’agent du FBI explique néanmoins au troisième secrétaire comment procéder. Le diplomate s’exécute laborieusement. Une fois son travail fini, il note sur deux feuilles de papier les nouvelles combinaisons et, pas bête, place la transcription de la combinaison du premier coffre dans le second, et celle du second dans le premier, avant d’aller déjeuner, tout content de lui. À son retour, bien sûr, il a oublié les combinaisons. Penaud, il revient trouver l’agent du FBI, qui se retient d’éclater de rire :
    «  Jeeze , je ne peux rien pour vous ! Va falloir prévenir l’ambassadeur… »
    L’arrivée d’un serrurier local n’arrange rien. Au bout d’une semaine, le malheureux reconnaît sa défaite après avoir tout tenté. Pendant ce temps, toutes les communications les plus sensibles avec Washington sont interrompues. Or, ce n’est pas le moment ! Lassés des frasques du sanguinaire Anastasio Somoza Garcia, les Américains essaient d’obtenir son départ. L’ambassadeur rend compte régulièrement de l’avancée des négociations par messages codés. Il s’arrache les cheveux. Après avoir inspecté les deux coffres, l’agent du FBI explique comment en venir à bout à l’aide d’une masse et d’un burin. Un coup bien ajusté devrait suffire. Paniqué, le serrurier refuse de s’exécuter. L’agent du FBI retrousse ses manches et « file un putain de coup de massue » qui fait s’ouvrir grand la porte du coffre.
    Quelques semaines plus tard, Anastasio Somoza Garcia accepte de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle de 1947. Ce qu’il fera. Mais il reviendra au pouvoir moins de deux mois plus tard à la faveur d’un coup d’État…
     
    Wallace Estill a hérité d’un nouveau superviseur : William Sullivan, qui débarque au « Siège du Gouvernement » pour s’occuper d’une section du SIS. Sullivan est un garçon intelligent qui sait tirer parti de la situation internationale. L’heure est à la guerre froide : feu donc sur l’ennemi communiste ! Il ordonne à tous les agents du SIS de se mobiliser afin de lui faire un compte rendu détaillé de la menace communiste en Amérique latine. C’est ainsi que Wallace Estill se retrouve à rédiger une vaste histoire du mouvement syndicaliste nicaraguayen en deux volumes.
    Pour remplir sa mission, il infiltre les milieux syndicalistes du pays en se servant des ressources de l’ambassade. L’attaché américain chargé des rapports avec le monde du travail nicaraguayen ne parle pas un traître mot d’espagnol. Il cherche un interprète, qu’il trouve en la personne de Wallace Estill. Le diplomate étant plutôt du genre paresseux, Estill se rend à sa place aux réunions avec les dirigeants syndicaux. Les Nicaraguayens sont loin de se douter que leur interlocuteur est un agent du FBI : ils pensent s’adresser à un représentant du Département de l’Économie américain. Estill en profite pour recruter des informateurs. Ce qui leur est advenu après son départ, il l’ignore. Peu de temps après, le FBI se détournera du continent sud-américain au profit d’une agence de renseignement, la CIA, qui fera du Nicaragua l’un de ses fers de lance de la lutte anticommuniste dans la région.
     
    Après Managua, retour à la case départ : Wallace Estill quitte le Nicaragua pour revenir en Équateur, mais cette fois dans la