FBI

joindre directement. Winchell est d’autant plus chagriné que le directeur du FBI et Bugsy Siegel sont, écrit-il, « ses deux meilleurs amis ».
    Au téléphone, Siegel explose. Les magnétos du FBI tournent, l’agent du FBI chargé de rédiger le rapport d’écoute note : « Siegel parle du Directeur d’une manière dégradante et insultante ; il déclare qu’il fera en sorte que Winchell lui amène le Directeur pour qu’il lui extorque la source de ses informations. »
    Une fois qu’il a raccroché, Siegel s’adresse à sa petite amie, Virginia Hill. Il a la ferme intention de se rendre à New York pour que Winchell lui amène ce « suceur de queues » de Hoover. Surnommé « Bugsy » parce qu’il est aussi imprévisible qu’un insecte ( bug ), Siegel est assez cinglé pour tenter d’enlever J. Edgar Hoover et le torturer. Mais le parrain renonce à son projet, sans doute dissuadé par des « amis » qui n’ont aucune envie de déclarer la guerre à l’État américain.
    Siegel représente les intérêts d’un consortium composé des principaux parrains de la mafia new-yorkaise, dirigé par son ami d’enfance Meyer Lansky. C’est Lansky qui l’a entraîné dans l’affaire. Au début, Siegel n’était pas intéressé et ne voyait pas pourquoi il aurait dû renoncer à une vie de paillettes à Hollywood pour aller s’enterrer au fin fond du désert du Nevada. Lansky a su se montrer convaincant. Très vite, Siegel se passionne pour le Flamingo, au point d’y investir son temps et son argent.
    Le FBI n’entend pas laisser la Mafia construire son casino sans réagir. Une enquête est ouverte pour violation des lois fédérales. L’autorité chargée des autorisations (Civilian Production Authority, CPA) multiplie les obstacles. Régulièrement interrompus, les travaux repartent à coups de pots-de-vin. Le FBI soupçonne le sénateur du Nevada Pat McCarran d’être l’un des bénéficiaires des largesses de Bugsy Siegel. Mais celui-ci a un autre ennemi : lui-même ! Rien n’est trop beau ni trop luxueux pour le Flamingo. Le coût des travaux explose. Le budget prévisionnel, qui était de 1,5 million de dollars en octobre 1946, passe à 4 millions, pour finir à plus de 6 millions.
    Meyer Lansky et ses associés demandent des comptes. Bugsy Siegel est convoqué à New York. Le bureau local du FBI entre dans la danse. Des dizaines d’agents new-yorkais sont mobilisés, dont deux vieilles connaissances, Jack Danahy et son partenaire Robert Maheu.
    Jack Danahy n’a, pour ainsi dire, pas vu la fin de la Seconde Guerre mondiale. A-t-il pris le temps de se réjouir avec les New-Yorkais massés sur Time Square ? À peine. Un ennemi chasse l’autre : la traque des espions nazis est terminée, celle des agents communistes continue. Ajouter un nouveau gibier à son tableau de chasse ne lui fait pas peur : cela fait des années que les agents new-yorkais du FBI rêvent de se payer les parrains de la Mafia. Danahy compulse le dossier Siegel : le nom du parrain apparaît une centaine de fois dans les archives du bureau de New York. La première fois que le Bureau s’est intéressé à lui remonte au 9 janvier 1934 ; il est alors décrit comme un des plus importants gangsters new-yorkais, établi dans un des palaces de la ville, le Waldorf Astoria.
    Le 5 octobre 1946, branle-bas de combat : Bugsy Siegel embarque à bord du vol 140 de l’American Airline qui relie l’aéroport de Burbakan à celui de La Guardia, à New York. Les agents du FBI font le tour des palaces new-yorkais afin de localiser la suite de Siegel et de la sonoriser. Le parrain n’est attendu nulle part. Et pour cause : les suites 627 et 629 de l’hôtel Roosevelt qui l’attendent ont été réservées au nom de la société de juke-boxes « Rudolf Wurlitzer Company »… Sitôt arrivé, Siegel passe un coup de fil. Les agents du FBI n’ont pas encore eu le temps d’installer leur matériel d’écoute, mais ils relèvent le numéro. C’est celui d’une vieille connaissance : Frank Costello.
     
    Frank Costello vient de prendre le pouvoir au sein de la famille Luciano, la première des organisations criminelles new-yorkaises, la « Rolls-Royce du crime organisé ». Avec Meyer Lansky, Lucky Luciano et Benjamin Bugsy Siegel, c’est l’un des chefs historiques de la mafia américaine, celle de la prohibition et de l’ère des gangsters. Un quatuor gagnant qui, on l’a vu, a créé dans les