FBI
le sursis pour deux peines de quinze ans de prison : il affirme avoir participé à l’effort de guerre du pays en travaillant pour les services secrets de l’armée et de la Navy. Saisi du dossier, le juge McCook, de New York, lui a donné raison. Le 3 janvier 1946, le gouverneur de New York, Thomas Dewey, libère Lucky Luciano à condition qu’il soit expulsé. Le 12 février, le parrain quitte les États-Unis pour l’Italie à bord du SS Laura Keene . À peine arrivé dans la péninsule, il disparaît. Le FBI le recherche au Mexique alors qu’il est déjà à Cuba.
Les parrains sont venus participer à une conférence au sommet de la Mafia qui se tient à l’hôtel Nacional. À l’ordre du jour, deux questions qui divisent les familles mafieuses : le trafic international de drogue et la catastrophe financière du Flamingo. La conférence tourne rapidement à la mise en procès. Mais le principal accusé, Bugsy Siegel, n’est pas présent. Vito Genovese, numéro deux de Lucky Luciano, joue les procureurs et réclame la tête de Siegel. En fait, Genovese règle ses comptes : à travers Siegel, il vise les « avocats de la défense », Frank Costello et Meyer Lansky. Les discussions sont houleuses et une majorité semble se dessiner en faveur de l’exécution de Siegel. Lansky et Costello plaident pour leur ami et obtiennent néanmoins un sursis. Les parrains diffèrent leur décision au lendemain de l’inauguration du Flamingo. Mais la cérémonie est un fiasco : en raison de conditions météorologiques déplorables, les personnalités invitées ne sont pas venues. La fureur des parrains redouble. Meyer Lansky intervient à nouveau en faveur de son ami et sauve une nouvelle fois sa tête. La trêve des confiseurs s’achève et chacun rentre chez soi.
Pour le FBI aussi, les vacances sont finies. Début janvier 1947, l’opération « Capga » reprend. Jack Danahy et ses collègues reconstituent le « gigantesque puzzle du crime organisé », selon l’expression de Cartha DeLoach. Une enquête exemplaire de près de deux ans touche à sa fin. Les agents du FBI s’apprêtent à jeter leurs filets. Mais, brusquement, un ordre venu d’en haut interrompt l’opération : on arrête tout, on plie bagage et on laisse tout le monde filer ! Les agents du FBI sont fous de rage. Ils tentent de plaider leur cause. Rien à faire : à Washington, le Procureur général, Tom Clark, a sifflé la fin de la partie. Tom Clark dont le président Truman dira peu après : « C’est ma plus grosse erreur. Ce n’est pas un mauvais homme, c’est juste un crétin de fils de pute3. »
« Sur le terrain, nos agents étaient sonnés, poursuit Cartha DeLoach. Ils étaient au milieu d’une mine d’or, à chaque heure ils ramassaient une nouvelle pépite. Mais le Procureur général nous a fait remarquer que nous n’avions pas à nous mêler d’activités qui n’enfreignent pas la loi fédérale. Par la suite, nous avons appris qu’une plainte avait été déposée par le sénateur Pat McCarran, du Nevada, affirmant que notre enquête était préjudiciable à l’économie de l’État. » Les agents du FBI ne sont pas dupes, ils savent que des rumeurs font état de pots-de-vin versés par Bugsy Siegel au sénateur McCarran, et que le Procureur général est lui aussi soupçonné d’avoir été acheté par la mafia de Chicago.
Le FBI clos le dossier Siegel. Il ne le rouvrira qu’après son assassinat, le 20 juin 1947.
Jack Danahy et ses collègues réalisent qu’on ne s’en prend pas impunément à des parrains aussi puissants que Frank Costello : « Il est faux d’affirmer que le FBI n’a commencé que tardivement à lutter contre la criminalité organisée, conclut Jack Danahy. Nous avons commencé très tôt, mais nous avons été stoppés dans notre élan. Alors nous étions réticents à repartir au feu. » John Fox, l’historien officiel du FBI, souligne : « Dans les années 1930 et 1940, le FBI a enquêté sur la criminalité organisée aussi longtemps qu’elle commettait des crimes fédéraux. Le FBI ne niait pas l’existence de la Mafia. Mais il ne lui reconnaissait qu’une existence strictement régionale. »
En mettant fin à l’opération « Capga », J. Edgar Hoover renonce à une proie de taille : Lucky Luciano. Mais un autre chasseur se tient en embuscade : Harry Anslinger, le directeur du Bureau fédéral des narcotiques (FBN), qui dépend du
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