FBI
Washington. Dans les journaux, il n’était pas rare de découvrir des photos de leur directeur en train de faire la queue devant un guichet réservé aux petits paris, ceux qui ne dépassaient pas les deux dollars. Là encore, tout le monde savait que ce n’était qu’une façade. Hoover aimait jouer gros. « Des agents étaient chargés de placer ses vrais paris aux guichets à cent dollars », écrit William Sullivan. « Quand J. Edgar Hoover et Clyde Tolson gagnaient, c’était un réel plaisir de travailler avec eux », ajoute-t-il. Aujourd’hui, on peut se demander si quelqu’un ne donnait pas un petit coup de pouce au hasard et ne facilitait pas les gains du directeur du FBI à son insu. Hoover recevait parfois d’excellents tuyaux concernant les chevaux à jouer. C’est son ami le journaliste Walter Winchell qui les lui fournissait. De qui Winchell tenait-il ses propres informations ? De Frank Costello, qui avait une source très sûre au sein du monde hippique, son ami Frank Erickson, l’« empereur des parieurs ». Erickson, cofondateur de Nationwide News Service, le service télégraphique à destination des parieurs, convoité par les anciens associés d’Al Capone…
J. Edgar Hoover et Clyde Tolson adoraient passer leurs congés sur les hippodromes californiens (Del Mar, Santa Anita et Hollywood Park). C’est là qu’ils ont fait la connaissance de Sid Richardson et de Clint Murchison, richissimes propriétaires de dizaines d’hippodromes à travers les États-Unis. Les deux milliardaires texans leur réservent les meilleures loges sur leurs champs de courses. Un cadeau en entraînant un autre, Clint Murchison met à leur disposition les plus belles suites de son hôtel, le Del Charro. Les deux dirigeants du FBI sont flattés. Au bord de la piscine, ils croisent Richard Nixon ou encore le sénateur McCarthy. Non loin, d’autres amis de Murchison prennent le soleil ou discutent, vautrés dans des transats. Certains sont des relations d’affaires du milliardaire. En dépit de leurs chemises hawaïennes ou de leurs maillots de bain, ils n’ont pas l’air de paisibles vacanciers. Ces grands fauves sont des parrains de la Mafia qui se retrouvent autour du plus terrible d’entre eux, le tout-puissant boss de La Nouvelle-Orléans, Carlos Marcello.
Cartha DeLoach admet que, dans la vie de J. Edgar Hoover, son amitié avec les deux milliardaires texans est ce qui pourrait le plus friser le scandale. Il est bien indulgent. « Au début des années 1960, Hoover et Tolson jouissaient à titre gracieux de suites à 100 dollars par jour, prix énorme pour l’époque, qu’ils n’auraient jamais pu régler avec leurs émoluments. Si vous y ajoutiez les extras et les repas, vous arriviez à une addition à faire ciller l’Aga Khan en personne », explique-t-il. Hoover a-t-il vendu son âme aux deux diables texans ? DeLoach est persuadé du contraire. Il reconnaît que le directeur du FBI a commis une grosse maladresse en acceptant l’« hospitalité » des milliardaires. Mais il se refuse à croire que ceux-ci achetaient la protection de Hoover. Ce n’est pourtant pas l’avis de tout le monde. Robert Gene Baker, conseiller politique de Lyndon B. Johnson et affairiste du Parti démocrate, estimait pour sa part que « Murchison tenait un bout de Hoover… Quand les riches recherchent des protections, ils placent toujours leur argent du côté du shérif. Face aux gangsters, Hoover incarnait la loi et l’ordre ; pour un homme richissime, c’était un plus que d’être identifié à lui. Voilà pourquoi les gens comme Murchison ne manquaient pas de faire savoir que Hoover était leur ami. Vous pouvez faire beaucoup de choses illégales quand le premier flic du pays est votre pote ! »
Clint Murchison ne s’en prive pas. En 1955, une commission du Sénat découvre qu’un des principaux parrains de la Mafia, Vito Genovese, possède 20 % d’une des sociétés du milliardaire texan (Murchison Oil Lease Company). J. Edgar Hoover ignorait-il que son ami Murchison était aussi en affaires avec Carlos Marcello, le parrain de La Nouvelle-Orléans ? En tout cas, il fermait les yeux.
Appalachin
Au sein du FBI, certains agents ou responsables comme William Sullivan se posent des questions. Pourquoi le Directeur nie-t-il l’existence du crime organisé au niveau national ? Le silence de Hoover paraît assourdissant aux agents des grandes métropoles qui mesurent chaque
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