FBI
jour un peu plus l’emprise de la Mafia sur leurs territoires. Comment le justifier ? Certains disaient (disent encore) que le Directeur ne voulait pas compromettre l’intégrité de ses hommes en les lançant aux trousses de ce que la société comptait de plus corrupteur. D’autres se demandent si la fin prématurée de l’opération « Capga » n’est pas à l’origine d’un désintérêt qui lui sera longtemps reproché.
Mais, bientôt, un « accident » oblige le FBI à remettre en question la « doctrine Hoover ». Le 13 novembre 1957, un policier de l’État de New York enquêtant sur une affaire de chèque en bois se rend dans un motel d’Appalachin, petit village situé non loin de la frontière avec la Pennsylvanie. Il découvre avec étonnement que l’endroit a été réservé pour y loger les invités d’un des plus gros propriétaires de la région, Joseph Barbera, dit Joe le Barbier. Officiellement, Joe le Barbier s’occupe de la distribution de Canada Dry. Il ne ressemble pas à un limonadier, il n’a pas l’air d’un limonadier, et ce n’est pas un limonadier. Il a un permis de port d’armes. Dans l’État voisin de Pennsylvanie, il a été arrêté une dizaine de fois, dont deux pour meurtre.
Le lendemain, accompagné d’un collègue, le policier se rend chez Barbera. Dans l’allée sont garées des dizaines de Cadillac, Rolls-Royce et autres limousines. Au moment où le véhicule de police s’y engage, une voiture démarre à toute vitesse en direction de la demeure. Le policier n’a pas le temps d’appeler du renfort que des dizaines d’hommes en costume trois pièces s’enfuient aussi vite que leur embonpoint le leur permet. Il en sort de partout ! Les limousines démarrent en trombe. De gros hommes zigzaguent à travers champs en direction des bois voisins. Sauve qui peut ! Rapidement, les routes sont bloquées, une trentaine d’hommes sont arrêtés, une vingtaine d’autres parviennent à s’esbigner. La police d’État réalise alors que ses hommes ont interrompu une réunion au sommet de la Mafia. Une première dans l’histoire du crime organisée, jamais rééditée à ce jour.
Presque tous les parrains de la Mafia étaient là. Carmine Lillo Galante et Joseph « Joe Bananas » Bonnano sont venus en voisins de New York. Santo Trafficante Jr. a fait le voyage de Tampa. Le sommet a été convoqué par Vito Genovese qui, depuis son retour aux États-Unis, tente de reprendre les rênes de la famille Luciano des mains de Frank Costello. Le Premier ministre de la Mafia n’est pas présent, il vient juste d’échapper à un attentat sans doute commandité par un Vito Genovese que plus rien ne retient. Celui-ci vient en effet de marquer un point important en faisant assassiner Alberto Anastasia, son grand rival et l’allié de Frank Costello, tombé sous les balles de ses tueurs chez son barbier, au Park Sheraton Hotel de New York, le 25 octobre 1957. Une scène immortalisée par Francis Ford Coppola dans Le Parrain .
Parmi les parrains qui ont trouvé le salut dans la fuite, il y a Sam Giancana, dit Mooney, le chef de la famille de Chicago. Deux jours plus tard, de retour au pays, Sam Giancana rend visite à son frère Chuck. Il boite bas. Pour éviter d’être interpellé, il a massacré un costume à 1 200 dollars sur des barbelés et ruiné ses chaussures de luxe dans la neige. Jamais il n’aurait cru que des feuilles mouillées pussent être aussi glissantes. Et tous ces flics qui grouillaient comme des fourmis ! Sam Giancana en rit, mais c’est un rire jaune…
Le fiasco du sommet d’Appalachin fait la une de tous les journaux. À en croire son frère Chuck, Sam Giancana redoute avant tout la réaction d’un homme : J. Edgar Hoover, qui ne peut plus rester les bras croisés. « Hoover peut se révéler dangereux, maintenant, dit Sam à son frère. Jusque-là, nous étions du même côté. Nous l’avons aidé contre les communistes et contre ce négro de Martin Luther King. Mais, à présent, les règles changent. Il est acculé et il le sait. […] Un type comme Hoover n’a qu’une alternative, quand la pression monte : ou il tue, ou il est tué. Maintenant, c’est le jeu de la survie qui commence. Je parierais qu’il essaiera de nous avoir avant qu’on l’ait4. »
Sam Giancana ne se trompe pas : Hoover va bouger sur deux fronts. D’abord, et ce n’est pas une surprise, il répare les dégâts causés à l’image du
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