FBI
démontre que la Mafia opère aux États-Unis depuis le début du siècle, contrairement à ce qu’a répété le directeur du FBI depuis des décennies. Furieux, Hoover ordonne à Sullivan de récupérer sur-le-champ tous les exemplaires envoyés. Les hommes de Sullivan se précipitent dans les Départements, au Congrès, au Sénat et à la Maison-Blanche. Ils n’ont aucun mal à récupérer la plupart des exemplaires, qui attendaient dans des bannettes d’être distribués avec le courrier de l’après-midi. Mais il leur faut arracher l’un des exemplaires des mains d’un des assistants du Procureur général…
Hoover bouge aussi sur le front militaire. Il monte une équipe de 75 agents chargés d’enquêter sur la réunion d’Appalachin. Les agents fouillent dans le passé des parrains d’Appalachin, exhument de vieilles affaires. Ils bénéficient d’une aide inattendue : selon Cartha DeLoach, au moins deux des participants à la conférence sont des informateurs du FBI. Lesquels ? DeLoach ne le dira pas : leurs dossiers sont encore confidentiels ; ils appartiennent à une série qui ne doit être déclassifiée qu’en 2017. Les agents apprennent que, la veille, une autre conférence avait réuni tous les hommes du parrain new-yorkais Vito Genovese. Quelques mois auparavant, une délégation de parrains s’était rendue en Sicile pour rencontrer leurs homologues à l’hôtel des Palmes, un vieux palace de Palerme. « Il nous a semblé évident, explique Cartha DeLoach, que les grandes organisations criminelles étaient à New York et à Chicago, mais que les bosses de la Cosa Nostra contrôlaient des réseaux à travers les États-Unis en liaison avec d’anciennes racines à l’étranger. »
Le FBI reconnaît enfin la Mafia comme un ennemi digne de son attention.
L’Entreprise
Au lendemain de Thanksgiving, moins de deux semaines après la conférence d’Appalachin, J. Edgar Hoover convoque ses assistants pour leur annoncer la création du Top Hoodlum Program (THP) – le « Programme des grands voyous ». Chaque bureau est chargé de dresser la liste des dix principaux parrains de la mafia locale. « Ça a donné au-delà de tous nos espoirs, raconte Cartha DeLoach. Les arrestations et les inculpations se sont multipliées. Nous avons bâti nos dossiers avec les noms et les photos des membres de la Mafia. »
Les bureaux les plus concernés ne répondent pas tous de la même manière. Dallas et La Nouvelle-Orléans maintiennent envers et contre tous qu’ils n’ont pas de problème de mafia. New York regimbe. Si l’enquête sur les liens entre Bugsy Siegel et Frank Costello n’avait pas été étouffée dans l’œuf, on n’en serait pas là. Échaudés, les agents new-yorkais du FBI hésitent à travailler sur la criminalité organisée. En revanche, le SAC de Chicago, Marlin Johnson, mobilise ses hommes. Il rêve de reprendre le flambeau de son prédécesseur, Melvin Purvis, dans la lutte contre le crime. Il a affaire à très forte partie. Ici, on ne dit pas la Mafia ou Cosa Nostra, mais the Outfit , l’Entreprise. Ici, les anciens de la bande d’Al Capone sont toujours au pouvoir. Parmi eux, Llewelyn Morris Humphreys, dit « Poil de Chameau ». Il est charmant, intelligent, mais c’est un tueur. Tout comme le nouveau patron de l’Entreprise, Sam Giancana. La ville est à eux. Le tout-puissant maire démocrate Richard Dailey leur a pour ainsi dire remis les clefs de son royaume.
L’opération est confiée à l’un des meilleurs agents du bureau de Chicago, William F. Roemer. Chaque agent du FBI est chargé de surveiller un parrain. Ils sont jeunes et naïfs : c’est là leur force. Leur surveillance est parfois malhabile. L’un d’eux se fait coincer par un mafieux qui apprend, soulagé, son appartenance au FBI. Les deux hommes bavardent ; le parrain essaie de convaincre l’agent du FBI qu’il perd son temps, ses activités (les jeux, la protection) ne présentant aucun intérêt pour Monsieur Hoover. Et ses associés ? Pareil.
Il faut quelques semaines aux agents du FBI pour se faire une idée assez précise du fonctionnement de l’Entreprise. William F. Roemer et ses collègues remarquent que ses principaux dirigeants se rendent tous les matins dans un immeuble de bureaux situé côté nord du carrefour entre Rush et Ontario Street. Les agents les suivent, mais les perdent rapidement de vue dans le dédale de couloirs et d’ascenseurs. Chaque
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