FBI
être à l’origine d’un rapport susceptible de nuire à la carrière prometteuse de son fils. »
Le dossier Kennedy est sorti des archives du FBI pour être confié à la garde du numéro trois du Bureau. Il n’y reste pas très longtemps. Il rejoint les archives personnelles du Directeur, celles estampillées « ultra-confidentiel ».
Le 13 juillet 1960, John Fitzgerald Kennedy remporte l’investiture démocrate à l’élection présidentielle. Le même jour, Cartha DeLoach reçoit un mémo signé du contrôleur Milton Jones, portant sur « les relations amicales du sénateur Kennedy avec le Bureau ». En fait, le rapport fait le point sur les « casseroles » du candidat démocrate. D’abord, il y a des soupçons de fraude électorale lors de sa victoire aux primaires de Virginie-Occidentale. Le FBI a reçu des dizaines de plaintes visant des fraudes massives : des votes ont été achetés, des urnes bourrées, des électeurs empêchés de voter. Ensuite, il y a les accusations d’« activités immorales » portées contre Kennedy. Le candidat s’est compromis avec une femme à Las Vegas, il a participé à Palm Springs à des « parties » (fines) avec Frank Sinatra. Le rédacteur du mémo ne peut ignorer qu’un même fil rouge relie les fraudes électorales en Virginie-Occidentale, la femme de Las Vegas et les parties fines avec Sinatra, et que ce fil conduit tout droit à Sam Giancana et à l’Entreprise. Comme pour le confirmer, le contrôleur Milton Jones, du FBI, conclut : « Des allégations ont été proférées concernant les connexions du sénateur Kennedy avec les truands. Dans un souci de brièveté, nous ne ferons pas l’effort de fournir le détail de ces allégations, bien des informations n’étant pas fondées10. »
Les Kennedy et la Mafia
Au « Siège du Gouvernement », quelques hommes savent désormais que les « informations » en question sont parfaitement fondées. J. Edgar Hoover, Clyde Tolson, Cartha DeLoach et Al Belmont sont tenus informés des découvertes sur les liens entre John Kennedy et la Mafia. Eux seuls ont accès aux rapports que leur envoient le SAC de Chicago et les agents chargés de la surveillance et de l’écoute de Sam Giancana et autres responsables de l’Entreprise. L’affaire est explosive et requiert la plus grande discrétion. Elle implique l’ambassadeur Joseph Kennedy. Depuis le début de 1960, son nom revient régulièrement dans les conversations entre Sam Giancana et les autres parrains. L’ambassadeur a demandé une grande faveur à l’Entreprise : aider son fils à devenir président des États-Unis !
Joseph Kennedy est homme à s’adresser à la Mafia pour favoriser l’élection de son fils. Il a les nerfs et les contacts pour cela. Son passé l’atteste. S’il est vrai que, comme disait en substance Balzac, à l’origine de toute fortune il y a des crimes que l’on cache, Joseph Kennedy n’a pu dissimuler les siens. Nul n’ignore en effet qu’il a contribué aux effets du krach de 1929 en jouant à la baisse, consolidant une fortune déjà bâtie grâce à la Prohibition. Joseph Kennedy a été l’un des grands contrebandiers d’alcool de la fin des années 1920. Il est alors en affaires avec des gangsters et des parrains. Parmi ses associés, on retient déjà deux noms : Frank Costello, futur Premier ministre de la Mafia, et Al Capone, qu’on ne présente plus11.
Au début de 1960, Joseph Kennedy décide d’orchestrer la campagne présidentielle de son fils John. Il sait qu’il va avoir besoin de puissants alliés. Il pense à ses « amis » les parrains. Le 29 février, un dîner rassemble l’ambassadeur Kennedy et certains des représentants de la mafia de Chicago au restaurant new-yorkais Felix Young. Le détail de la rencontre n’a été rendu public que vingt ans plus tard, par un des participants, l’avocat du milieu Mario Brod, lors d’une série d’entretiens avec l’historien Richard Mahoney. Depuis, les faits ont été confirmés par plusieurs autres enquêteurs. La plupart des parrains conviés au repas avaient décliné. Ceux qui y assistaient rechignèrent à aider le frère de leur plus farouche adversaire, Bobby Kennedy, alors chef des enquêteurs de la Commission d’enquête sénatoriale sur l’infiltration de la Mafia dans les syndicats américains12.
Joseph Kennedy est insatisfait de cette première rencontre. Sam Giancana n’a pas participé au dîner. Or
Weitere Kostenlose Bücher