FBI
tenir ses informations d’une source plus que sûre : son ami l’ambassadeur Joseph Kennedy, père de Bobby. Commence alors un curieux jeu du chat et de la souris. Giancana voyage beaucoup, change fréquemment de lieu de résidence. On le croit à Chicago, il est à Las Vegas. On le dit à Boston, il est au Mexique. Finalement, au début du mois d’avril 1959, les envoyés spéciaux de Bobby Kennedy le débusquent dans le Nevada et lui remettent l’assignation en mains propres. Sam Giancana rentre à Chicago…
Une semaine plus tard, il marie sa fille Antoinette. Pour l’occasion, il loue des salles au dix-neuvième étage de l’hôtel Lassale afin de recevoir ses sept cents invités. Des journalistes s’invitent aussi. Sur les tables, ils relèvent les noms des convives. Sam Giancana déboule, déchire les cartons. Il accordera un bref entretien à un journaliste du Chicago Tribune , Sandy Smith, sans savoir qu’il est considéré par le Bureau comme un journaliste ami. À la fin de l’entretien, il se moque des enquêteurs de la commission sénatoriale : « Ils n’ont pas pu me trouver pendant un an, alors que j’étais tout le temps à Chicago. Je me suis bien amusé à leur passer sous le nez7 ! »
Sam Giancana donne toute sa mesure. Il joue avec les journalistes : « On nous reproche d’être syndiqués, dit-il encore au Chicago Tribune , mais quel mal y a-t-il à cela ? On se retrouve à deux ou trois pour faire affaire, et c’est mal. Les businessmen font ça tout le temps, et personne ne gueule ! » Il endosse le rôle qu’il préfère, celui de l’incompris : l’armée n’a pas voulu de lui en 1942 sous prétexte qu’il était psychopathe. Mais qu’avait-il fait de mal ? Répondre à la question « De quoi vivez-vous ? » en expliquant qu’il volait. « Ils ont pensé que j’étais fou, mais je ne l’étais pas, je leur ai dit la vérité. » Interrogé sur ce qu’il avait l’intention de déclarer à la commission McClellan, Giancana rigole : « Je leur dirais bien d’aller se faire foutre, mais je crois que je me tairai et que j’invoquerai le Cinquième Amendement. » C’est ce qu’il fera en se réfugiant derrière le droit de ne pas témoigner contre soi-même reconnu par la Constitution.
Le 9 décembre 1960, les agents du FBI de Chicago rédigent un rapport de plus de cent pages. Ils préviennent : « Giancana doit être considéré comme armé et dangereux, il a un tempérament vicieux, une personnalité de psychopathe, et se déplace armé. »
Maintenant qu’il n’a plus à se cacher, Sam Giancana rentre chez lui. Les écoutes téléphoniques du FBI reprennent. Il prend des risques, se laisse aller. Les agents notent une conversation particulièrement intéressante dans laquelle il est question d’une « commission » composée de voyous répartis dans tout le pays, chacun à la tête d’une section. Les agents de Chicago découvrent un secret de Polichinelle : l’existence d’un gouvernement de la Mafia rassemblant les principaux chefs des familles du pays et gérant le fonctionnement de l’organisation. En revanche, en recoupant différentes informations, ils tombent sur un des secrets les mieux gardés du pays : la participation de l’Entreprise à la campagne présidentielle de John Fitzgerald Kennedy.
J. Edgar Hoover et les Kennedy
Le 2 janvier 1960, le sénateur John Fitzgerald Kennedy annonce son intention de se présenter à l’élection présidentielle américaine. La campagne est rude. Lors des primaires démocrates, JFK défait ses adversaires, les sénateurs Hubert Humphrey et Wayne Morse. En juillet 1960, la Convention démocrate le désigne officiellement comme candidat, et lui flanque comme prétendant à la vice-présidence le retors Lyndon Johnson. Le plus dur reste encore à faire : convaincre les électeurs. Les sondages laissent prévoir un combat au couteau. Les résultats seront les plus serrés de toute l’histoire américaine : Kennedy l’emporte avec 49,7 % des voix contre 49,5 % à Nixon. Il a fallu aller chercher le moindre vote.
J. Edgar Hoover est aux premières loges : il suit la campagne électorale avec un intérêt tout particulier. Cela fait plus de trente ans qu’il étudie de près la famille Kennedy et son chef, l’ambassadeur Joseph P. Kennedy, dit Joe. À la fin des années 1930, les positions isolationnistes de Joseph Kennedy et ses sympathies affichées pour l’Allemagne
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