FBI

l’un des dirigeants du Bureau. Dans sa chronique du 30 octobre, elle parle de sa rencontre avec un homme au « physique splendide » et aux yeux « si bons et si intelligents », le numéro deux des G-men, Clyde Tolson en personne, l’homme qui vit dans l’ombre de J. Edgar Hoover et qui, jusqu’à présent, fuyait la presse comme la peste.
    Âgée de vingt-huit ans, Inga Arvad a déjà une vie bien remplie. Miss Danemark, puis Miss Europe couronnée par Maurice Chevalier, elle a épousé un richissime Égyptien. Le temps de divorcer, elle est à Berlin comme correspondante d’un journal de Copenhague, elle interviewe Göring, est invitée à son mariage, rencontre son témoin, le chancelier Hitler. Inga Arvard fait désormais partie de la jet-set nazie. Hitler lui accorde trois interviews. Elle assiste aux Jeux olympiques de Berlin dans la loge du Führer. Elle rentre au Danemark pour épouser le réalisateur Paul Fejos et devenir la maîtresse d’un industriel suédois pronazi. Inga Arvad-Fejos et son mari s’installent aux États-Unis en 1940.
    L’amant suédois d’Inga Arvad est soupçonné par les services secrets de la marine américaine (ONI) d’être un agent nazi. Son yacht, le Southern Cross , servirait à approvisionner les U-Boote qui patrouillent au large des côtes américaines à la recherche de proies faciles. Le FBI est convaincu de tenir une nouvelle Mata Hari, mais ne parvient pas à trouver contre elle le moindre élément de preuve. J. Edgar Hoover ne lâche pas prise. La jeune femme est trop bien introduite auprès de tout ce que Washington compte de puissants pour ne pas constituer un danger potentiel. « Elle est engagée dans une forme subtile d’espionnage », note Hoover, qui obtient l’autorisation du Procureur général de la placer sur écoutes.
    Les agents du FBI qui surveillent Inga Arvad remarquent qu’elle passe le plus clair de ses nuits avec un enseigne de vaisseau qu’ils photographient en train de s’éclipser de chez elle dès potron-minet. Ils identifient sans mal le jeune homme : il s’agit de John Fitzgerald Kennedy, fils de l’ambassadeur Joseph Kennedy. J. Edgar Hoover est choqué, non parce que le fils de son ami fricote avec une espionne nazie, mais parce qu’il « fricote avec une femme mariée ». Or l’affaire est sérieuse : la Danoise parle divorce. L’enseigne demande à son père l’autorisation de l’épouser. Catholique fervent, l’ambassadeur refuse que son fils convole avec une femme divorcée. Alors John F. Kennedy est muté loin de Washington, à Charleston, en Caroline du Sud. L’affaire n’en continue pas moins. Les week-ends, les agents du FBI suivent la jeune femme jusqu’à Charleston, où elle retrouve son enseigne au Fort Summer Hotel. Leur chambre est sonorisée, les agents suivent leurs ébats, écoutent leurs conversations ; il y est question des derniers potins de Washington, jamais de secrets militaires. C’est alors que l’ambassadeur Joseph Kennedy apprend que le FBI s’intéresse de près à son rejeton. Il demande à l’un de ses amis, le secrétaire adjoint à la Marine, de muter son fils « loin, très loin », hors de portée de la diablesse danoise et des agents du FBI.
    « Loin, très loin », ce sont les îles Salomon, à l’est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le 2 août 1943, le bateau sur lequel se trouve l’enseigne Kennedy, le PT-109 , est percuté par le destroyer japonais Amagiri pendant une patrouille nocturne. Au cours du naufrage, le jeune enseigne se distingue par son courage et, malgré une blessure au dos, sauve un de ses frères d’armes. Il rentre chez lui en héros bardé de décorations. La légende de JFK commence. Il signe deux livres, dont un obtient le prestigieux prix Pulitzer, et, grâce à son père, entame une brillante carrière politique qui va le conduire au Congrès, puis au Sénat. La route vers la Présidence est ouverte.
     
    John Kennedy a-t-il commis d’autres écarts depuis l’affaire Arvad ? Dans le dossier qu’il a fait venir des archives, Cartha DeLoach trouve cinq nouvelles affaires de « mauvaise conduite sexuelle ». Il en informe J. Edgar Hoover, qui lui dit : « Deke, tu dois avoir sorti le mauvais dossier, c’est sans doute celui de son frère aîné. Regarde mieux ! » Non, c’est bien le bon dossier. Hoover se déclare choqué. « En fait, explique DeLoach, Hoover était proche de l’ambassadeur Kennedy. Il ne voulait pas