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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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Guevara pour la stratégie et Raúl pour les affaires de sécurité, peut encore soutenir un vrai débat avec le
Lider
. Le jeu consiste donc sans doute à présenter les arguments de façon telle que Castro s’y rende de lui-même, comme par un cheminement naturel. Qu’une opposition éventuelle soit très souplement soutenue ! Si le sujet est de ceux qui passionnent Fidel, son point de vue l’emportera. Le
Lider
a, enpeu de mois, repris le terrain perdu ou concédé. L’ex-PSP se montre beau joueur : Fidel, dit Blas Roca, secrétaire du parti depuis des lustres, est « le plus efficace marxiste-léniniste du pays ». Un édito de la
Pravda
dénonce Escalante et approuve les positions « néomarxistes » du
Lider
. Le 1 er mai, Cuba est insérée dans la nomenclature soviétique entre les pays du bloc et… la Yougoslavie.
    Or Castro, lui, ne multiplie pas, ce printemps 1962, les démonstrations d’amitié envers l’Union soviétique. L’été 1961, durant la terriblement grave crise de Berlin, il avait manifesté sa solidarité, recommandant même à ses compatriotes, peu après la construction du fameux Mur, d’apprendre le russe, car « la science soviétique est la première du monde ». Mais, en ce début 1962, il envoie de discrets signaux à la Chine et à ses alliés albanais et coréen. Manière pour Fidel de faire payer à Moscou son ingérence dans l’affaire du sectarisme ? Ou bien, chef d’un des pays vedettes de ce tiers-monde désormais ouvertement contesté entre Moscou et Pékin, veut-il « ferrer » le Kremlin ?
    En juin, les signaux changent. Ainsi, Castro vient lui-même prendre congé de techniciens soviétiques qui rentrent au pays, leur temps accompli. Il s’excuse auprès d’eux que leurs services n’aient pas toujours pu être utilisés au mieux en raison de « déficiences » qu’ils auront constatées, parfois même de « l’indifférence », sinon de la « froideur », avec laquelle ils auront pu être traités – au point que certains administrateurs les ont, ici ou là, « mis dehors », ou n’ont pas hésité, pour se débarrasser d’eux, à leur « proposer des filles ». Ce sont de tels « détails » qui permettent de penser que les « frères de l’Est » n’ont pas toujours, il s’en faut, été bien accueillis.
    Mais, à la mi-1962, les négociations bilatérales qui vont conduire à la dramatique crise des fusées d’octobre ont commencé. Les auteurs situent entre avril (Michel Tatu) et début septembre (Claude Delmas) le moment où la décision d’installer de tels engins à Cuba est prise à Moscou. La vérité pourrait être entre les deux : c’est début juillet, en effet, que Raúl, ministre des Armées (alors âgé de trente-deux ans), se rend en Union soviétique avec un groupe d’officiers. Dans sa biographie de Khrouchtchev, Roy Medvedev parle d’« une semaine »de conversations, auxquelles « Monsieur K. » a participé deux fois, les 3 et 8 juillet. Pour l’historien russe, c’est à ce moment-là « que fut prise la décision d’envoyer des fusées ». Un passage des
Mémoires
de Khrouchtchev permet même d’imaginer que Fidel a fait à Moscou un voyage secret pour le rencontrer.
    Qui a eu l’idée ? Castro a toujours été flou sur le sujet. Il privilégie la version selon laquelle c’est lui qui avait demandé à l’Union soviétique un engagement
absolu
contre une invasion américaine. En 1963, il dira à Jean Daniel, du
Nouvel Observateur
, avoir connu en janvier 1962 des préparatifs d’agression au terme d’une conversation avec Adjoubei, gendre de « K. », lequel vient de parler avec Kennedy. Dès lors, l’idée lui serait venue d’avoir des « otages » soviétiques, tout comme il y a trois cent mille
GI
à Berlin. En réponse à quoi le Kremlin aurait proposé les fusées. Des lustres plus tard, laissant filtrer un discours de sa part, en 1968, devant le Comité central du Parti communiste cubain, il dira que le stationnement lui a été imposé. Puis, interviewé par Jas Gawronski, fin 1993, il a dit : « Ce sont eux qui ont fait la proposition. » Les Soviétiques, quant à eux, ont insisté sur le fait que ces moyens, « défensifs », avaient été installés « à la requête du gouvernement cubain ». Le nouveau cours des choses en Russie n’a pas encore permis de faire toute la clarté sur cet épisode dramatique. On comprend les palinodies de Castro : à la fois il aura voulu ne pas se laisser ravir la

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