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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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rapporte-t-elle dans
Le Monde
. Chacun sait que Fidel peut surgir partout et à tout moment, aussi bien dans un restaurant que dans un village perdu où son hélicoptère se posera. Il n’est pas adoré comme un chef inaccessible, mais aimé avec une affection bouleversante. Qu’il apparaisse, et on scrute sa mine, on écoute sa voix. On lui prodigue des conseils : “Il faut te reposer”, “Soigne-toi”. Chacun lui parle de son cas, lui dit ses ennuis, se plaint d’une injustice… Et chaque fois… Fidel répond comme s’il connaissait personnellement celui qui s’adresse à lui. » Outre cette familiarité – un trait aussi présent, après tout, chez le Batista de la première décennie –, c’est le sentiment donné à tous d’une certaine dignité, celle de former un seul peuple (la « fierté d’être cubain ») qui est porté au crédit du
Lider
.
    Mais la popularité de Castro dépasse largement l’île. Il est, d’abord, un héros dans le bloc socialiste. En visite à La Havane, fin 1962, le poète Evtouchenko, alors chantre de la « déstalinisation », s’écrie : « La Révolution cubaine peut rendre à l’URSS son romantisme héroïque et combatif. » Mais, surtout, Fidel est ungéant en Amérique latine. Il est l’idole de la jeunesse progressiste et de la gauche. Les partis communistes eux-mêmes (au moins les petits, c’est-à-dire la plupart) sont tentés d’emprunter la passe étroite de la lutte armée. Les premiers à franchir le pas ont été les Vénézuéliens. Ils ont pris leur décision en août 1960, lors de violentes manifestations de soutien à Castro après sa rupture économique avec les États-Unis. Avec des groupes d’étudiants radicalisés, le PCV participe, dès 1961, à la création de
focos
(maquis ; littéralement : foyers de guérilla) dans diverses zones montagneuses du pays. Au Guatemala, l’action du PC sera déterminante dans la lutte armée. En Colombie, les communistes se joignent en 1964 au « Front Sud », ancêtre des fameuses Farc. Par-delà les considérations de partis, la geste de Fidel stimule la création, ici et là, d’« Armées de libération nationale » (ELN). La participation directe de Cubains, d’abord niée par Castro pour ne pas s’attirer les foudres des États-Unis, sera reconnue, plus tard, par La Havane s’agissant de deux pays au moins : le Venezuela et la Bolivie.
    L’intérêt de Castro envers cet activisme n’est pas dénué de considérations nationales : comprimée dans ses frontières par le blocus américain, la Révolution ne peut se sauver, hors la reddition pure et simple au camp soviétique, qu’en « explosant » ailleurs. Mais plus que l’aide matérielle du « premier territoire libre » du continent, plus que l’entraînement reçu par des candidats guérilleros dans les montagnes de Piñar del Rio ou sur les côtes de l’Oriente, plus que les interminables (on peut le penser !) conversations des futurs chefs des « foyers » avec le commandant (et ses adjoints), ce qui compte c’est l’inspiration de Fidel : ce souffle antiaméricain, cette conviction que le socialisme est la jeunesse du monde, cette certitude que l’union des petits pays bousculera un ordre injuste. Certaines guérillas s’enracinent, d’autres avortent puis, éventuellement, resurgissent. Au milieu des années 1960, ce sera le tour du Pérou, de la Bolivie, de l’Argentine puis du Brésil. Les uns après les autres, les guérilleros seront vaincus par les armées nationales, souvent aidées par les fameux « bérets verts » américains et les redoutables « conseillers » en tactique « anti-insurrectionnelle » de Washington.
    Fidel est installé. Il ne craint plus guère que l’attentat. Et il a de bonnes raisons pour ce faire. Il s’entoure donc d’une protection considérable. Contre ses gardes du corps, rien ne prévaut, pas même la séculaire immunité des enceintes diplomatiques. Lorsque Fidel veut se rendre à une réception, quatre heures avant son arrivée, des dizaines d’hommes, mitraillette au poing, investissent les lieux. Ils visitent tout, accordant un soin spécial aux cuisines (le
Lider
a plusieurs fois failli être empoisonné). Empêcher une telle violation du droit des gens serait possible. Mais le risque est que Fidel s’abstienne de paraître, ce qui transformerait la fête en non-événement.
    En réalité, Castro est moins menacé qu’il ne semble : la chance seule ne peut expliquer qu’il

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