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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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qui ronge le système est plus pernicieux. Castro, après Guevara, le nommera « bureaucratie ». Dès 1963, les deux hommes lancent contre elle leurs flèches. Une commission de lutte est même créée contre ce fléau. Las ! Castro devra vite constater que « la commission antibureaucratie s’est bureaucratisée » ! Mais « bureaucratie », qu’est-ce à dire ? C’est, d’une part, cette tendance de gens productifs à se réfugier dans des secteurs moins pénibles, souvent aussi mieux payés mais, en toute certitude, moins utiles pour la collectivité : la fuite des
macheteros
, coupeurs de canne, vers des formes d’agriculture plus tranquilles, ou vers l’armée, la police ou les permanences syndicales, aura été un symbole, rarement relevé, des années 1960. Mais la « bureaucratie », c’est aussi le visage que prend l’ambition dans une société où l’arriviste doit, pour parvenir, se travestir en serviteur du peuple. Ce n’est pas pour rien que le Che, en absolue discordance avec Castro, s’est fait l’avocat de la relève des générations : « Je crois que nous avons rempli avec dignité un rôle important. Mais ce rôle ne serait pas complet si nous ne savions pas nous retirer à temps », a déclaré Guevara peu avant sa sortie de la scène cubaine, fin 1964.
    « Année de l’organisation » : ainsi est solennellement baptisée 1963. Ce sera en réalité l’une des périodes de plus grande désorganisation de la décennie. Mais, surtout, 1963 est l’année du premier voyage de Castro hors d’Amérique, de sa première visite en Union soviétique. Cette tournée est un triomphe à côté duquel la lente remontée de Cuba, d’est en ouest, début janvier 1959, semblerait presque modeste. Cette fois, c’est la deuxième puissance du monde qui organise une fête à laquelle rien ne se peut comparer chez elle – hormis le retour sur terre, deux ans plus tôt, du premier cosmonaute de l’humanité, Gagarine. Youri avait, oui, été plus applaudi encore que Fidel. Mais le voyage du Cubain à travers le pays dure, lui, quarante jours ! Sans doute le record mondial de l’ère contemporaine…
    La visite, pourtant, commence quasiment en tragédie. Le Tu-114 de l’Aeroflot qui, depuis quelques semaines, assureen quatorze heures la liaison directe Cuba-URSS, est à bout de carburant. Or, une brume épaisse recouvre la côte nord de la presqu’île de Kola, ce 27 avril au petit matin. Le pilote tente l’atterrissage sans visibilité sur un terrain militaire. Et il réussit. Toujours la
baraka
, sans laquelle il n’est pas de vraie carrière
! Castro est accueilli par l’homme qui est devenu comme le responsable à temps plein des relations bilatérales : Anastase Mikoyan. Fidel est venu avec une délégation fournie, dans laquelle ne figure pourtant aucun membre de la « vieille garde » communiste. Même le compère Carlos Rafael Rodríguez n’est pas du voyage. Le
Lider
entend qu’il n’y ait pas de confusion dans l’esprit de ses hôtes : nul autre que lui-même ne peut parler au nom de « l’île de la liberté », comme l’ont surnommée les Soviétiques. Entre le PCUS et le Pursc (Parti unifié de la révolution socialiste cubaine, créé le 22 février précédent comme parachèvement des ORI, et en attendant la naissance, fin 1965, du PCC), le seul truchement est Castro.
    « Il fait très froid à Mourmansk, mais nos cœurs sont chauds », improvise Fidel, souvent mieux inspiré, devant la foule qui l’accueille dans cette ville inhabituelle. À toutes les Républiques socialistes soviétiques, la radio retransmet l’ovation en réponse. Près de six semaines durant, pas un seul bulletin d’information n’omettra une référence à cette visite.
    C’est un dimanche, le 28 avril, qu’il arrive à Moscou. Khrouchtchev lui donne sa première accolade depuis leur rencontre à l’ONU en 1960. Fidel a gardé la
chapka
qu’il arborait à Mourmansk bien qu’il fasse chaud à Moscou. Le secrétaire du PCUS conduit aussitôt le secrétaire du Pursc vers la place Rouge pour un grandiose meeting. Car le maître de toutes les Russies a aussi son plan. Il est empêtré dans une querelle de longue haleine avec la Chine. À propos de l’affaire des fusées, celle-ci l’accuse d’« aventurisme » d’abord, puis de « capitulationnisme ». Il est donc essentiel que l’autre protagoniste de l’équipée d’octobre précédent exprime son appréciation positive de la conduite

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