Fidel Castro une vie
en Union soviétique et la chasse dans les étendues neigeuses du pays » ! De fait, on le verra devant une
datcha
proche de Moscou, conduisant une
troïka
, photographié parmi des trappeurs, posant devant les trophées d’une partie de chasse fructueuse, suivie d’un « pique-nique amical en plein bois ». Mais la quasi-absence de protocole indique que, cette fois, c’est le Cubain qui est demandeur
Dans son traditionnel discours du 2 janvier (1964), Fidel s’était écrié : « La situation économique est excellente. » Mais Radio Moscou soulève le voile : « Les difficultés de Cuba sont réelles » ; on en a parlé « avec franchise », ajoute l’organe soviétique. Lors de la réunion du Comecon de l’automne précédent, à laquelle Castro a envoyé un observateur, plusieurs voix se sont élevées, d’Europe de l’Est, pour protester contre la dilapidation par la Révolution caraïbe de l’aide du bloc socialiste. De fait, l’unique mais spectaculaire résultat de ce nouveau voyage est la signature, le 21 janvier, d’un accord à long terme garantissant, explique Khrouchtchev, « l’économie cubaine contre les conséquences défavorables des oscillations de la conjoncture, c’est-à-dire des prix du sucre sur le marché mondial ». Moscou s’engage à acheter la moitié de la production de son protégé, jusqu’à un maximum de cinq millions de tonnes à partir de 1968, pour un prix de six
cents
la livre. C’est très inférieur aux excellents prix actuels du marché, mais cela permettra de planifier les choses. Cet accord servira de motivation à la fameuse «
zafra
des dix millions de tonnes » de 1970. Pour reprendre l’expression d’un homme qui connaît bien le
Lider
et que celui-ciapprécie, l’avocat américain James Donovan, négociateur de la libération des prisonniers de la baie des Cochons, « Castro a brillamment utilisé Khrouchtchev » en payant surtout de mots une aide sonnante et trébuchante.
Durant le séjour de Castro en Union soviétique, un petit événement international a eu lieu, dont il a peut-être tiré argument en sa faveur auprès de ses hôtes : un coup d’État au Zanzibar. L’île qui fait face au Tanganyika, avec qui elle s’unira pour former la Tanzanie, était jusqu’alors gouvernée par une aristocratie arabe. Celle-ci est renversée par une équipe révolutionnaire noire. Or, ces hommes, on le saura plus tard, ont reçu leur entraînement à Cuba : c’est la première, modeste, incursion de Castro dans le champ africain. « La coexistence pacifique est la ligne générale », déclare le communiqué final soviéto-cubain, en parfait contraste avec la position chinoise.
L’Amérique latine, cependant, réserve de mauvais jours à Fidel. L’alerte est partie du Venezuela. L’élection pour désigner le successeur du président Betancourt est à peine achevée, le 1 er décembre 1963, que les autorités annoncent la découverte, sur une plage proche de Caracas, d’un arsenal. Mortiers, bazookas, canons, fusils-mitrailleurs, armes légères : le chargement, de quatre tonnes, proviendrait de l’armée cubaine. Or, le Venezuela a été, toute l’année, le théâtre de violentes actions de guérilla. Les Faln (forces armées de libération nationale), alliant communistes et gauchistes d’inspiration fidéliste, qui en sont les protagonistes, ont tenté de saboter le scrutin par une recrudescence d’actions, portant leur pression sur Caracas. Mais les citoyens, malgré le danger, ont massivement voté.
C’est là le premier revers politique de la guérilla latino-américaine, que suivront des défaites militaires. En accord avec le vainqueur, le social-démocrate Raúl Leoni, Betancourt porte l’affaire devant l’OEA. Castro stigmatise les « imbéciles et les dupes » qui croiraient une telle fable, et vilipende le « tyran et traître sanglant et misérable, instrument de l’impérialisme yankee » qu’est à ses yeux le chef de l’État vénézuélien. Fidel prend aussi des précautions. Pour la cinquième fois en 1963, il ordonne une mobilisation des milices. Et, surtout, le 12 novembre, il annonce l’institution du service militaireobligatoire (une originalité en Amérique latine) : trois années, dont, précise Raúl, deux pourront être consacrées aux travaux agricoles.
Le 31 mars-1 er avril 1964, c’est le coup d’État des généraux brésiliens. Cet événement marque le premier coup d’arrêt organique à la «
Weitere Kostenlose Bücher