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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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quinquagénaire sportif, Fidel gravit les quelques marches qui conduisent à la tribune. Il y est accueilli par sir Junius Jayawardene, le vieux chef d’État, fort conservateur, du Sri Lanka. Depuis le V e Sommet, tenu en 1976 à Colombo sous la présidence de la très gauchiste Sirimavo Bandaranaike, ce pays a en effet assumé la direction des non-alignés. Mais cette dernière a été battue aux élections de 1977 par une équipe ultralibérale – coup de gong dans le tiers-monde. Dans le crépitement des flashes et le ronronnement des caméras, le relais est transmis. Rendus nerveux par les contraintes auxquelles ils ont été soumis, mille journalistes venus des quatre horizons s’activent à cette seconde, frénétiquement.
    Dans son uniforme de commandant en chef, sur un fond ocre et brun, le
Lider
est magnifique – immense, massif, soigné des cheveux aux bottines. Un moment, ses pairs observent les mimiques familières de leur hôte : la main gauche qui caresse l’une des plus célèbres barbes du monde, les yeux sombres qui clignent sous les sourcils épais, comme pour regarder plus intensément, le dandinement d’un pied sur l’autre, qui offre à toute la salle, successivement, le profil quasi grec de ce front haut, de ce nez puissant.
    « Excellences, invités, camarades… » Dans la salle, chacun s’installe en prévision d’un discours long : réputation oblige ! Et il faut se relever : « Qu’il me soit permis, tout d’abord, en cette cérémonie solennelle, d’évoquer la mémoire de l’ami que nousadmirons et aimons tous, du héros de la Libération et de la Révolution dans sa patrie, de celui qui a su brillamment diriger notre sommet en 1973 et qui a tant fait pour le prestige et le renforcement des non-alignés : le défunt président de l’Algérie Houari Boumediène. Je demande en sa mémoire une minute de silence à cette digne Conférence. » Tous se relèvent : d’abord la quinzaine de Latino-Américains puis, avec un rien de retard – le temps d’ôter les écouteurs de la traduction simultanée –, les Africains, les Asiatiques, les Arabes. Et aussi le secrétaire général des Nations unies, l’Autrichien Kurt Waldheim. Le nouveau président algérien Chadli a certainement conscience, en cette minute, d’un de ces retournements dont la politique est familière : en 1965, lorsque Boumediène avait renversé Ben Bella, Fidel avait été l’un des plus véhéments contempteurs du «
pronunciamento
militaire » d’Alger.
    Castro laisse errer son regard sur les « grands » debout devant lui. Avec trente-cinq chefs d’État et treize Premiers ministres, il fait mieux que Colombo pour la
Quinta
, mais moins bien qu’Alger lors de la
Quarta
. À vrai dire, il n’en connaît pas beaucoup, bien qu’il soit allé les accueillir, un à un, à l’aéroport, en un ballet dont l’impeccable ordonnance a impressionné. Tout compte fait, la position en haut de la pyramide n’est guère plus stable, dans un tiers-monde foisonnant d’apprentis dictateurs, que dans les démocraties à l’occidentale où un élu chasse l’autre. Pour un Hussein régnant sur la Jordanie depuis un quart de siècle, combien de dictateurs ont subi le sort fatal d’un Mohammed Daoud, tué l’année précédente en Afghanistan ?
    Fidel ne peut manquer de fixer celui qui lui ravirait presque la vedette à ce VI e Sommet : Tito. À quatre-vingt-sept ans, et malgré les rumeurs qui courent sur l’état de ses artères, le maréchal yougoslave a toujours bon pied bon œil. Il s’est même offert la coquetterie d’arriver tout bronzé ! Il n’a rien perdu non plus de son sens manœuvrier. On peut presque dire qu’il a roulé tout le monde dans la farine. Décidé à tout mettre en œuvre pour empêcher le triomphe de la conception cubaine d’un non-alignement par trop… aligné sur Moscou, Tito est arrivé, sous prétexte d’une visite d’État, bon premier à La Havane. Et là, il n’a plus bougé de sa résidence. Il y a reçu, quatre jours durant,les représentants de douzaines de pays. Alors que les Cubains refusaient tout contact avec les journalistes, la délégation de Belgrade – trente-huit personnes – a accompli un gros travail de relations publiques. À tous, elle a dit qu’il n’y a pas
un
« impérialisme », celui des États-Unis, mais
deux
, en comptant le soviétique. Officiellement marxiste, mais ayant appris à se méfier de l’Union soviétique et de ses méthodes,

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