Fidel Castro une vie
le maréchal rappelle que huit pays d’Afrique, d’Asie du Sud-Est et de la Caraïbe sont passés au marxisme-léninisme depuis 1975, tous plus ou moins aidés par Castro. C’est trop. Il faut dès lors se tenir au non-alignement « historique » défendu par lui, Tito, depuis qu’il a été désigné premier président du Mouvement en 1961. Ce travail de fourmi n’a pas été sans effet : dans les commissions, le texte initial cubain, fort véhément, a été très amendé.
Mais heureusement pour Fidel, il y a là aussi les grands amis. Et tout d’abord Pham Van Dông, le plus aimé, Premier ministre de ce Viêtnam à qui il a envoyé, naguère, rien de moins que deux mille « conseillers », et dont il s’apprête à dire, dans son discours, qu’il est « sacré ». Et voici Mengistu, l’Éthiopien, qu’on a aidé, aide et aidera ; et encore Hafez el-Assad, de Syrie, à qui, au lendemain de la guerre du Kippour, Cuba a envoyé quatre mille soldats pour monter la garde au bord du Golan ; le président du Yémen, Abdel Fattah Ismaïl, pour qui on a fait tout autant ; le prometteur Saddam Hussein qui a su, en trois épisodes, saisir le pouvoir à Bagdad… Et encore le très applaudi Yasser Arafat, président de l’OLP palestinienne…
L’Afrique progressiste s’est déplacée en masse. Voici, par exemple, l’ami guinéen Sékou Touré. Il y a aussi des jeunes gens galonnés de fraîche date, que Fidel couve de sa tendresse et souvent de son aide, tel le Congolais Denis Sassou Nguesso. Les vieux sages du continent noir sont également venus : le Zambien Kaunda et le Tanzanien Nyerere, des amis aussi. Il est d’autres Africains qu’on a un immense plaisir à recevoir : les leaders des anciennes colonies portugaises, le Mozambicain Samora Machel et le Guinéen de Bissau Luis Cabral. Seul manque, hélas ! celui qui est sans doute le plus cher au cœur de Fidel : l’Angolais Neto. Beaucoup ici le savent, il est aujourd’hui à Moscou. Le prétexte : un voyage officiel ; en réalité, il est dans une clinique de la capitale soviétique, mourant.
Pas de grands Latino-Américains, hormis le général péruvien Morales Bermúdez et le Panaméen Royo. Il est vrai que peu de ces pays sont non-alignés. Mais Castro ne peut voir sans plaisir deux voisins, qui sont aussi ses protégés : le Nicaraguayen Daniel Ortega, frais émoulu de sa victoire sur Somoza, et le Grenadien Maurice Bishop. Les Amériques s’ébranlent !
Les Asiatiques, eux, sont diversement représentés. L’Indienne Indira Gandhi, engagée dans une dure campagne électorale, n’a pas fait le voyage. L’Indonésie, farouchement anticommuniste, a envoyé, à défaut de son président Suharto, la délégation la plus nombreuse : quarante-huit personnes. Il y a tout de même ici le général pakistanais Zia-ul-Haq (pas un ami non plus). Ce continent, qui compte les plus grandes populations communistes de la planète, a envoyé pas moins de trois altesses. Fidel Castro reconnaît Birendra Shah Deva, roi du Népal, un ancien du non-alignement tenu pour une réincarnation de Vishnou ; plus familière encore au Cubain sont les silhouettes du prince Souphanouvong, président d’un Laos devenu communiste en 1975, et du roi du Bhoutan, Jigme Singye Wangchuck. Le
Lider
peut regretter l’absence de l’imam Khomeini, le plus célèbre des nouveaux venus du tiers-monde. Son islamisme lui est incompréhensible, mais son antiaméricanisme l’intéresse – « le Grand Satan » : même lui, Castro, n’aurait pu trouver mieux ! Dernier des très grands à ne s’être pas déplacé : Kadhafi.
Dans l’ensemble, les absents sont des « modérés ». Tant mieux ! De ceux qu’avec son verbe haut il appelle, lui, Castro, des « saboteurs », des « naufrageurs », des « pantins de l’impérialisme ». Que certaines chaises soient occupées par de simples ministres des Affaires étrangères, voilà qui fait même plaisir. Comme celle de l’Égyptien Sadate : Castro n’a pas invité le successeur du grand Nasser – qui fut lui aussi président des non-alignés – pour le punir d’avoir fait sa paix avec Israël.
La plus grande satisfaction du
Lider
est de constater l’absence physique de toute représentation du Cambodge. C’est là sa victoire personnelle, le fruit de son énergie, de son culot aussi. Khieu Samphan, Premier ministre des Khmers rouges évincés huit mois plus tôt par les Viêtnamiens, aurait dû, en bonne « légalité »,
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