Fidel Castro une vie
connaître, coup de tonnerre,que, à partir du 1 er janvier suivant, elle exigera un paiement en devises de son pétrole.
C’est là l’annonce qui éclaire Castro sur l’ampleur de la catastrophe à venir. Il la chiffre à une perte d’un milliard de dollars annuel alors que Cuba dispose, en devises convertibles, de 1,25 milliard l’an. Cela pousse Fidel à mettre en œuvre, à partir du 1 er septembre 1990, la « période spéciale en temps de paix », une véritable économie de guerre, d’abord conçue comme une phase d’adaptation aux bouleversements en cours. Mais la disparition de l’Union soviétique la transformera en la « saison la plus longue » d’un socialisme cubain cherchant, afin de ne pas offusquer la pureté idéologique du « fidélisme » (disons cela puisque Raúl Castro, lui, incline à plus de pragmatisme), à louvoyer face à certains impératifs de type capitaliste – contrairement aux choix opérés par la Chine ou le très admiré Viêtnam.
Sur le front international, c’est au sud de l’Afrique que l’onde de choc se fait d’abord sentir pour Cuba. Car « Gorby » n’a pas été long à comprendre que la première mesure à prendre pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être, et si possible de relancer la machine, était de redimensionner les engagements internationaux de l’Union soviétique – en effet écrasants, et pas seulement en Afghanistan. On a appelé cette prise de conscience « la nouvelle pensée » gorbatchévienne. Et il fallait certes un grand esprit, et courageux, pour entreprendre de désamorcer ainsi la terrible tension mondiale (éloignée de la guerre par la seule prise de conscience des dangers d’annihilation planétaire), qui avait marqué, au tournant des années 1970 et 1980, la fin du long règne de Brejnev et les brefs secrétariats d’Andropov et Tchernenko, en coïncidence avec la présidence Reagan.
Un discours prononcé par Gorbatchev à Vladivostok le 28 juillet 1986 annonce un prochain retrait militaire d’Afghanistan et de Mongolie. Il est d’abord, on le comprend, reçu avec scepticisme tant à l’Ouest qu’en Chine. Il se révélera vite, pourtant, n’être que le point de départ de désengagements plus substantiels. Le terrain à déblayer était vaste, il est vrai, puisqu’il incluait aussi l’Afrique et, bientôt, l’Amérique centrale.
Pour Castro, la
perestroïka
frappe donc en priorité l’Angola. Il n’est certes pas désireux de rapatrier les quelque quarantemille hommes qu’il a là-bas, non plus que ses milliers d’autres compatriotes, militaires ou coopérants, qu’accueillent plusieurs autres pays du continent noir, surtout l’Éthiopie. Sans qu’il lui en coûte trop cher (c’est l’Union soviétique qui fournit le matériel, et le pays hôte qui, en principe, finance le stationnement), cette « projection » martiale est en effet le principal instrument du prestige internationaliste de l’île, auprès du tiers-monde. Au VIII e Sommet des non-alignés, à Harare (Zimbabwe), en 1986, Fidel a d’ailleurs déclaré que ses troupes ne bougeraient pas tant que prévaudrait l’apartheid en Afrique du Sud.
Certes, à propos de l’Éthiopie, des sources occidentales ont annoncée, dès 1984, une diminution des effectifs cubains : de dix mille à trois mille. Il est vrai qu’Addis-Abeba semblait moins pressée par l’irrédentisme érythréen, et il lui était devenu moins indispensable d’entretenir un lourd contingent étranger.
En Angola, après la phase des combats frontaux de 1975-1976, les soldats cubains s’étaient repliés, avec la consolidation des forces armées de Luanda, dans un rôle de couverture de la capitale et de l’enclave de Cabinda (ils y protégeaient, ironie ! les forages de la société pétrolière américaine Chevron). Ils ont été conduits à nouveau en première ligne, au tournant des années 1970-1980, par le regain des activités des guérilleros de l’Unita, qui contrôlaient le tiers du territoire. Les Cubains ont dû ensuite répondre à une nouvelle vive attaque des forces d’Afrique du Sud. Celles-ci ont engagé, en novembre 1987, leur plus violent combat en douze ans contre les troupes de Luanda, à Cuito Cuanavale. Selon Fidel, c’est lui-même, de La Havane, et le général Cintra Frías, sur le terrain, qui s’y sont illustrés. Or ce sont bien les renforts (dix mille hommes) envoyés de La Havane sous le général Ochoa qui vont éviter
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