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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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».
    Cependant, dès la fin 1988, la crise économique, en partie liée à la politique de « rectification » lancée par Fidel en 1985-1986, s’accentue. Les restrictions empirent sur la nourriture et certains produits de nécessité courante comme le dentifrice, le papier hygiénique… Dès lors, les conduites « antisociales » se répandent, et d’abord parmi les jeunes. Maints Cubains cherchent à se procurer des dollars pour améliorer l’ordinaire. Des centaines de trafiquants sont interpellés. Des actes d’insubordination sont signalés : slogans hostiles au
Lider
, notamment dans des cinémas, concerts de casseroles dans des quartiers isolés ; des manifestations auraient même lieu ici et là, en province. La plupart des opposants, dont les noms sont désormais devenus familiers des correspondants et envoyés spéciaux étrangers, sont arrêtés et condamnés, pour des périodes en général bien plus brèves que par le passé, encore que nullement anodines : quelques années, au lieu de deux ou trois décennies de prison. Pourtant, ils ne se laissent pas bâillonner : ainsi, devant un envoyé du
Monde
, Gustavo Arcos dénonce-t-il « le mensonge, la dissimulation, l’apathie, la malhonnêteté » engendrés par le castrisme.
    La conférence des évêques catholiques, avec laquelle le régime a pourtant normalisé les relations en 1985, fustige la « schizophrénie » ambiante qui consiste en ce que « par-devant tout va bien, par-derrière tout va mal ». À la faveur de la crisedu tournant des années 1980-1990, le pouvoir de l’Église catholique, infime avant la Révolution, s’affermit. Elle représente, en effet, un espace de liberté modique mais sans égal. Créée à La Havane pour agir en matière de droits de l’homme, une commission Justice et paix va essaimer dans plusieurs villes. Cuba est le seul pays d’Amérique latine où un pape n’a jamais pu se rendre. Mais il est vrai que Fidel craint, avec Karol Wojtyla/Jean-Paul II, un effet « à la polonaise ». Le pontife pourrait « appuyer sur le poignard pointé sur notre gorge », susurre un hiérarque. Cependant, le IV e Congrès du PC accepte, fin 1991, la pleine participation des croyants à la vie publique, y compris… leur entrée au parti. Après tout, Fidel n’a-t-il pas récité le « Notre Père » dans une assemblée où il était invité lors d’un voyage au Brésil en 1990 ? Les protestants, pourtant moins contestataires que les catholiques, aspirent eux aussi à un peu d’air.
    Quant aux tenants des cultes africains, qu’on dénomme
santería
, ils n’ont, de longue date, plus aucune retenue à s’afficher. Leur propos, il est vrai, n’est pas politique. Mais ils expriment une certaine affirmation de la « dignité noire ». Car celle-ci, le castrisme ne la conteste pas, mais elle ne s’affirme gère dans l’État : en tout et pour tout une demi-douzaine de Cubains « de couleur » figurent dans les hautes instances du PC (Politburo et Comité central) ou au Conseil des ministres, alors que cette catégorie de la population, plus prolifique que les Blancs, dépasse à présent les 50 %.
    Dans ce médiocre climat, le retour des vétérans d’Angola est un problème virtuellement explosif. Car ces hommes ont pris, en campagne, des habitudes d’autonomie et de discussion bien différentes de celles qui prévalent à Cuba. Ne risquent-ils pas de créer une sorte de parti contestataire, ce qui serait terrible vu leur nombre (trois cent mille sont passés là-bas en treize ans, apprend-on officiellement vers cette époque) ? Le problème, en tout cas, est régulièrement évoqué par les journalistes étrangers enquêtant dans l’île. Et, soudain, un coup de tonnerre semble lui donner une vive actualité. Le 14 juin 1989,
Granma
annonce l’arrestation du général Arnaldo Ochoa, « héros de la République » pour sa victoire en Ogaden contre la Somalie en 1978, et récent vainqueur de la bataille de Cuito Cuanavale enAngola. L’officier de cinquante-huit ans est accusé de « graves faits de corruption » et d’« usage malhonnête de ressources économiques ». Le même jour circule à La Havane une rumeur : le ministre des Transports, le général Diocles Torralba, vice-Premier ministre, a été destitué pour « inconduite ».
    Le soir, apprend-on, Raúl doit prononcer à son ministère, celui des Forces armées, un discours devant un parterre d’officiers, pour le vingt-huitième anniversaire de la

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