Fidel Castro une vie
Tony La Guardia et Amado Padrón, le chef de la branche Opérations commerciales de la section ON) ; neuf, dont Patricio La Guardia, feront de vingt-cinq à trente ans de prison ; et un, dix ans.
Il reste à Fidel à présider la séance du Conseil d’État qui doit entériner le verdict confirmé en appel, le 8 juillet, par la Cour suprême. Le
Lider
accable Ochoa bien au-delà de ce qui figure dans le procès. Il lui reproche, de façon stupéfiante, d’avoir été un médiocre chef de guerre – lui dont la campagne d’Ogaden est devenu un classique étudié dans les écoles de guerre ! Fidel révèle là l’un de ses traits de caractère les plus vils : ce goût de rabaisser ceux dont la gloire a pu porter ombrage à la sienne. Pis, il se pare des plumes du paon : si la guerre d’Angola a été gagnée en dépit de l’incurie d’Ochoa, dit-il, c’est que lui, Castro, y a consacré « tout [son] temps, oui tout [son] temps ». Mais il évite, on se doute, de répondre à la question qui est dans tous les esprits : qui savait quoi ? Dans cette île où, selon un proverbe, « pas une feuille ne bouge sans que les frères Castro en soient informés », comment Fidel pouvait-il être dans l’ignorance totale ? Ou, au moins, Raúl, patron de ce Minfar qui, dans ce pays sur un perpétuel pied de guerre en raison de « la menace des impérialistes », est tenu au courant de tout mouvement d’avion au-dessus du territoire national et de tout déplacement de navire dans les eaux cubaines. (C’est ce qu’a confirmé le général d’aviation Rafael del Pino lors de son débriefing, en 1987, aux États-Unis, après sa désertion.) Donc Raúl savait, sauf à être insuffisant, et dès lors réprimandé… Raúl qui, lors de l’ultime séance, télévisée, de cette affaire, s’est mis à pleurer, disant penser aux enfants d’Ochoa qu’il connaissait depuis leur naissance…
Dans son discours, Fidel aussi reproche à Washington de ne pas lui avoir fait part des découvertes des services secrets US, anciennes en ce domaine. Il oublie, pour le coup, les vertueuses et parfois violentes (un fameux « ces fils de pute »…) dénégations qu’il a opposées naguère aux suggestions, en provenance des États-Unis, d’une implication cubaine dans le trafic de la drogue. Le
Lider
déclare avoir été mis au courantquatre mois plus tôt seulement, par des dépêches d’agence et par des « rumeurs » rapportés par des « amis de Colombie ». De fait, on ne parlait à Bogota, au printemps 1989, que de l’implication de guérilleros procastristes dans le trafic de la drogue, comme l’auteur de ces lignes l’avait rapporté dans
Le
Monde
.
Fidel révèle encore que c’est une enquête lancée sur Ochoa, sans doute dès l’hiver 1988-1989 (à propos de trafics en Angola, notamment l’affaire du C-130), qui a conduit à Tony et à la section ON. L’année suivante, rencontrant son ami Mina, Fidel lui dira : « Quand il faut arrêter Ochoa,
je pose
qu’il faut arrêter aussi un groupe du Minint… de ceux qui ont été en contact avec Ochoa, pour pouvoir faire une enquête complète. » L’objectif premier était donc bien d’abattre Ochoa, même si la nécessité de blanchir Cuba de l’accusation de trafic de drogue est entre-temps apparue impérative aussi, suscitant l’idée de faire d’une pierre deux coups.
La sentence de mort contre Arnaldo Ochoa, Tony La Guardia et deux officiers du Minint, et les peines de prison requises envers les dix autres accusés sont, le 9 juillet, confirmées à main levée par les vingt-neuf membres présents du Conseil d’État. Les exécutions auront lieu au petit matin du 13 juillet sur le champ de tir de Baracoa, à l’ouest de La Havane. Le « commandant en chef », après avoir visionné la cassette, aurait dit à propos d’Ochoa : « Il est mort en brave. » Pour la première fois depuis un mois, Castro est revu en public le lendemain. Il déclare avoir consacré « trente et un jours à raison de quatorze heures par jour » à l’affaire. Il ajoute : « L’histoire n’a jamais connu un procès aussi propre. »
Moins d’une semaine plus tard, l’ex-ministre des Transports Diocles Torralba, ressorti de son lieu de détention, est jugé à son tour. Il est condamné à vingt ans de prison pour malversations. Un mois plus tard, José Abrantes, ex-ministre de l’Intérieur, comparaît devant la justice. Le 31 août, il en prend pour trente ans. Nulle allusion
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