Fidel Castro une vie
à une éventuelle responsabilité de sa part dans le trafic de drogue ! On lui reproche d’avoir couvert de son autorité les activités économiques désormais déclarées illégales du ministère de l’Intérieur. L’ancien patron du puissant Minint mourra dans sa cellule le 21 janvier 1991. Diagnostic : infarctus.
Le ministère de l’Intérieur va être « désossé » à la suite de cette affaire. Il recevra un nouveau chef, le général Abelardo Colomé, dit « Fury », jusque-là numéro 2 du Minfar, adjoint direct de Raúl. Les grands directeurs dont la « négligence » a rendu possible le trafic sont écartés : ceux de l’Aviation civile, des Renseignements et du contre-espionnage, des Migrations, des Garde-frontières… Plusieurs généraux sont dégradés. Trois cents officiers du Minint sont écartés, et d’autres personnalités de cette institution sont condamnées à la prison. Brian Latell, déjà cité, croit pouvoir parler, au vu de l’ampleur de cette purge, survenue peu de semaines après la répression du « Printemps démocratique » chinois à Pékin, d’un « Tian’anmen cubain »… Et ainsi, pour prix d’avoir consenti à être une pièce maîtresse dans l’exécution de son ami de trente ans, Ochoa, le cadet des Castro a-t-il reçu en suzeraineté le ministère de l’Intérieur, cet État dans l’État qu’il n’avait jamais vraiment piffer. D
e facto
, le « jeune » frère du commandant en chef est désormais maître de tout de qui a trait à la Sécurité dans l’île…
Sur le moment, une certitude s’impose à la plupart des observateurs : Fidel ressort affaibli d’un épisode qui a révélé tant de compromissions et qui l’a contraint à porter le fer et le feu contre le plus prestigieux militaire cubain et, partant, à mortifier l’armée, jusque-là rempart de son pouvoir. Un exemple de retombée négative : une invitation faite par la France à Fidel en vue de participer au bicentenaire de la révolution de 1789 – non pas le 14 juillet, ce qui eût été voyant, mais pour la commémoration, le 20 septembre, de la bataille de Valmy – ne sera pas confirmée.
En réalité, le temps ayant passé, il est clair que la brutalité des frères Castro a plutôt servi leur pouvoir, comme le pays entrait dans une étape incertaine, avec le retour des troupes d’Afrique et l’implosion du bloc socialiste. D’évidence, ce que craignaient les maîtres de Cuba, c’était la cristallisation d’un foyer d’opposition, dont Ochoa aurait pu être le point de ralliement et Abrantes le sabre, avec derrière lui l’appareil du Minint. Il est certain que le « procès Ochoa » a brisé toute velléité d’opposition militaire au castrisme en un moment redoutable pour lui. Mais, à moyen terme, l’épisode a aussi eu des conséquences négatives.
Passons vite sur un point : Fidel aurait été « tellement blessé » par l’affaire que, selon le mot du ministre de l’Intérieur Colomé, on aurait pu « craindre une marque indélébile sur sa santé ». Or, le
Lider
s’est remis. Mais l’affaire en a convaincu plus d’un que la Révolution n’était pas, ou plus, le monument admirable qu’on leur décrivait, qu’elle autorisait bien des privautés à la « nomenklatura ». Il a aussi confirmé le machiavélisme du castrisme, prêt à tout, absolument tout, pour se maintenir au pouvoir. Fidel a pu dire à Ignacio Ramonet : « Ochoa, c’était une affaire de droit commun. » Mais « nous avons décidé » que « ces délits se sont transformés en acte de trahison » du fait que Cuba était alors « devant une situation très délicate qui aurait pu l’exposer à des attaques préventives ». « Ces délits
se sont tranformés
» : admirable litote ! Puis Fidel ajoute devant Ramonet : « Peu de gens ont autant souffert que moi de l’exécution d’Ochoa. » Peut-on être plus compassionnel ?!
12
L ES ANNÉES TERRIBLES
(
1990-1995
)
Autrefois, c’était facile.
Fidel Castro, 26 juillet 1991
Fidel sort de l’affaire Ochoa pour noter que le monde change à une vitesse hallucinante. Le 26 juillet, lors du traditionnel discours pour l’anniversaire de la Moncada, il juge, avec un temps d’avance sur la planète, que l’Union soviétique peut fort bien, un jour, « se désintégrer ». C’est là une très grosse pierre dans le jardin de son récent visiteur Gorbatchev.
Le
Lider
voit bien les évolutions en cours. Celles de Pologne et de Hongrie
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