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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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population, du moins dans certains secteurs de l’appareil d’État. En parler ne faisait pas se dresser les cheveux sur les têtes… »
    Sans doute Cuba était-elle prédisposée à cette activité, pour deux raisons. Sa position géographique, d’abord, qui jette son territoire allongé entre la principale source, colombienne, de cocaïne, via le Venezuela ou l’Amérique centrale, et son premier marché, les États-Unis, à travers les Bahamas ou directement avec la Floride. L’autre motif est l’état pantelant de l’économie depuis le milieu des années 1980, et sans espoird’un mieux du fait de l’évolution de l’Union soviétique. Et ce alors que l’ambition internationale de Fidel, en Amérique centrale surtout, reste grande.
    Lors du III e Congrès du PCC, début 1986, Fidel avait redéfini la priorité de sa Révolution : « Gagner des devises à tout prix. » Révolutionnaire sans état d’âme, fidéliste à s’en faire tuer, Tony a-t-il mal (ou trop bien) interprété la pensée du chef ? Le trafic de la drogue via Cuba – qui, selon les États-Unis, n’avait pas été inconnu par le passé – prend, à partir de 1987, des proportions nouvelles, obligeant Washington à mettre sur pied un dispositif maritime, aérien et terrestre (radars) pour l’entraver. Un éditorial de
Granma
en date du 22 juin mentionnera ainsi, pour en faire grief aux inculpés du procès Ochoa, « quinze opérations portant sur six tonnes de cocaïne, pour un montant de 3,4 millions de dollars ».
    Un fait retient aussi fortement l’attention : l’arrestation du général Patricio La Guardia. Ce jumeau de Tony, descendant comme lui d’une famille de l’aristocratie économique cubaine, a également fait toute sa carrière au ministère de l’Intérieur : durant les cruciales années 1986-1989, et jusqu’à peu de semaines avant que n’éclate l’affaire, il était le haut représentant du Minint en Angola – coiffé donc, au moins vers la fin de sa mission, par Ochoa. Or, le procès sera formel : « Il a été démontré que Patricio n’a pas participé à des activités de trafic de drogue », dira le général Manuel Fernández Crespo, chef du contre-espionnage. Il a seulement fait « des affaires avec Tony ». Pourquoi donc est-il, lui aussi, inclus dans ce procès de « certains fonctionnaires du Minint » qui ont « eu des contacts avec les trafiquants internationaux de drogue » (
Granma
du 16 juin) ? « Parce qu’il n’a pas dénoncé son frère »
,
dira l’accusation ! Mais le soupçon pointe que l’inculpation de Patricio tient plutôt à ce qu’il lance un pont entre son jumeau et Ochoa, de qui leur commune galère angolaise l’a, de sources concordantes, beaucoup rapproché. Une affaire bien concrète les relie, en effet, point de départ apparent de toute l’enquête : l’achat, avorté, d’un avion C-130 commandé par José Dos Santos, le président angolais qui a succédé à Agostinho Neto. La demande de ce dernier a transité par Ochoa, puis via Patricio, vers Tony, lequel a fait affaire à Panama avec un citoyen de ce pays qui s’est dérobé
in
extremis
… non sans garder au passage un paquet de dollars. Le chef de l’État africain s’est plaint à Fidel, qui tenait là un gros fil à tirer. De même, l’arrestation initiale de Diocles Torralba – qui ne sera finalement pas impliqué dans le procès Ochoa, mais sera jugé et condamné plus tard pour « malversations » – pourrait bien s’expliquer, avant qu’on ne trouvât mieux, par le « liant » qu’il mettait entre Ochoa, vieux compagnon d’armes que l’on veut à tout prix charger si fort qu’il ne pourra pas s’en sortir, et Tony… dont il est le beau-père. On sent bien que de vieilles affaires, pas toutes purement d’État, se règlent au sein du monde somme toute confiné des hautes sphères révolutionnaires.
    Ce sont donc deux procès qui ont lieu à La Havane fin juin et début juillet 1989. L’un et l’autre sont télévisés, d’évidence pas en direct. Ils sont suivis avec passion par le pays, rarement convié à plonger ainsi son regard dans le fonctionnement de l’appareil. Le premier procès se présente sous la forme d’un tribunal d’honneur, composé de quarante-sept officiers généraux des trois armes. Le président en est Ulises Rosales del Toro, chef d’état-major général, et le procureur est Raúl lui-même. Le ban et l’arrière-ban sont là. On voit même ressortir

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